lundi 22 décembre 2014

XIAO CHE ZHU - Chapitre 6





Une voix dans la nuit l’éveilla.

Devant les yeux encore embrumés de sommeil de Xiao Ché Zhù, se dressait un dragon.

Le jeune garçon se frotta les yeux avec ses poings fermés, bailla à s’en décrocher la mâchoire et s’assit sur sa natte.

Tout ce cérémonial du réveil ne changea rien. Le dragon était toujours là, attendant sans doute de la part du garçon une réaction quelconque.

Calme, étonnamment calme,  Xiao Ché Zhù s’entendit demander :
« Qui es-tu ? Que fais-tu ici ? »

Se raclant la gorge, le dragon toussa légèrement. De ses narines et de sa bouche sortit un  petit nuage de poussière, signe sans soute que cela faisait bien longtemps qu’il hantait des lieux poussiéreux.

« Hum ! Hum ! Je suis l’esprit du Dragon du Grand Fleuve. D’où je viens ? C’est toi-même qui m’as réveillé en me sortant du coffre où tu m’as trouvé. Il était grand temps d’ailleurs qu’on me sorte de là, je commençais à m’ankyloser.  Que cela fait du bien de se sentir libre ! »
En disant ces derniers mots, il étira tous ses membres avec un plaisir évident.

« Il est temps que je prenne les choses en main », ajouta-t-il
Son regard fit le tour de la pièce d’un air désapprobateur.

« Il faudrait faire un peu de ménage là-dedans et puis ensuite, il serait bon de se mettre au travail. »

Que signifiait tout ceci ?

Ce dragon commençait, à  peine arrivé, à prendre une attitude bien directive.

De quoi se mêlait-il ?

Xiao Ché Zhù ne lui avait rien demandé. Mais, devant le regard autoritaire, le pauvre garçon s’exécuta. Il rangea et nettoya. Ces tâches l’absorbèrent tant qu’il ne vit  pas le jour poindre à l’horizon. Il ne vit pas non plus le regard empli de tendresse que lui lançait ce dragon lorsqu’il ne le regardait pas.

« Maintenant, prends la boite qui est sur ta couche et assoies-toi devant cette petite table. »

A genoux, assis sur les talons,  Xiao Ché Zhù, avec une obéissance inaccoutumée, fit tout ce que le dragon lui commanda. Il sortit les pinceaux, la pierre à encre, le bloc d’encre et un rouleau de papier de riz vierge.

« Tu vas commencer par tracer des traits, seulement des traits, commanda le dragon, mais uniquement des traits horizontaux. La manière dont tu réussiras ces traits est la base de tout. Ton trait doit posséder une ossature, une chair, une énergie vitale. »

Ce maître apprit aussi à son jeune élève à broyer ses bâtons d’encre sur la pierre, rituel, préparant tout artiste à l’acte de peindre, permettant de faire le vide en soi.
Puis, il lui enseigna à charger d’encre le pinceau et à en maîtriser le flux. Trop d’encre donne au trait un aspect lourd, pas assez d’encre lui retire toute consistance, tout esprit.

« Pour maîtriser le trait, il faut se tenir bien droit, conseillait le maître, rectifiant sans cesse la posture du garçon. Ainsi, le courant d’énergie entre le ciel et la terre passera mieux à travers toi. »

Le dragon, maître en calligraphie, était intransigeant sur les règles à respecter.

Le pauvre élève soupirait souvent de fatigue, mais obtenir la perfection exige  une volonté et un acharnement sans borne. Aussi, Xiao Ché Zhù recommençait-il inlassablement son labeur.

Malgré son application, il s’entendait souvent dire :
« Ton trait, là, ne va pas. Il est inerte, banal, triste. Donne-lui la vie ! »
Ou encore,
« Dessine avec ton cœur. Donne une âme à ce que tu fais. »

Lorsque le trait horizontal fut enfin acquis, le dragon enseigna au garçon les autres traits.
Ensuite, ce fut le long travail de copie de documents élaborés par les maîtres anciens. L’écriture demandait beaucoup de précisions, car chaque caractère devait s’inscrire dans un carré. Dessiner les signes fut une chose, mais il fallut aussi en apprendre la signification.

Les moments de détente  de Xiao Ché Zhù se passaient en plein air à contempler la nature, à l’expliquer simplement en y ajoutant des pensées poétiques. Moments d’une complice rêverie où tous deux communiaient avec le monde environnant.

Au retour, chaque image, chaque impression étaient mises sur le papier en touches de couleur qui prenaient vie sous le pinceau du jeune artiste, devant le regard très critique du professeur.

Le génie consistait à réaliser un ensemble, alliant écriture et peinture, d’une simplicité naturelle ; la beauté en art n’étant nullement sophistiquée.
Un chef-d’œuvre ne se crée pas, il se travaille en corrigeant les premières ébauches, y apportant beaucoup de soi.
Xiao Ché Zhù se sentait souvent découragé. Avait-il les dons nécessaires ? Mais, pensant à ses parents et à Lao Li, il rassemblait ses forces et se remettait au travail.

Xiao Ché Zhù  apprit ainsi à lire, à écrire, à compter et à penser par lui-même.

Les jours passaient faits de travaux d’écriture, de promenades à travers la colline et la prairie, de réflexions sur les berges du grand fleuve.

Cette tutelle « dragonnique » apportait beaucoup au garçonnet. C’est ainsi qu’il grandit comme dans un rêve.

Mais la vie qui se déroulait, avait quelque chose de trop idyllique et Xiao Ché Zhù n’arrivait pas à en trouver la cause.

Une vie comme dans un rêve …..
Car, les récoltes étaient bonnes, le grain se vendait à merveille. Sans vivre dans l’opulence, il ne manquait de rien. Rien à voir avec la dure existence de labeur de Lao Li.
Et puis, il apprenait tant de choses ….. Mais, il lui restait encore tant à comprendre.
Son pinceau glissait sur le papier, les couleurs se diluaient et prenaient la forme de beaux paysages.
Des idées jaillissaient de son esprit et devenaient poésies.

N’avait-il pas près de lui un maître exceptionnel ?


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