mercredi 14 janvier 2015

ET PUIS QU'IL FASSE CE QUE BON LUI SEMBLE !


 
Des demandes de renseignements sur des individus étaient affaire courante, et maires et commissaires de police se voyaient souvent sollicités par des courriers provenant de villes plus ou moins lointaines.
Dans ces périodes troublées d’après la Révolution Française, chacun se méfiait des autres et surtout, cachait le montant de ses biens pour ne pas être spolié.

Les unions, du moins pour ceux qui avaient un peu de biens ou de renommée, ne se concluaient pas à la légère, et bien souvent, elles se faisaient par affinité de fortune ou de corporations de métiers.

Les demoiselles, bien dotées, étaient fort courtisées et l’alliance consentie ne tenait nullement compte des sentiments, mais des « comptes » en argent sonnant et trébuchant de la famille du jeune homme. Les jeunes filles pauvres étaient, d’office, écartées.

Pas de mésalliance ! Surtout pas !

Aucun roturier, sans fortune, ne pouvait prétendre entrer dans une « bonne famille », et les demoiselles récalcitrantes à un mariage imposé, étaient contraintes à se découvrir une vocation religieuse. Enfermées dans un couvent !

Et l’amour, là-dedans, me direz-vous !

« Il vient avec le temps ! », disaient celles qui avaient vécu pareille expérience, sans réellement y croire.

D’ailleurs, ai-je parlé «d’amour » ?
Non !
Uniquement « argent » et « profit ».
Pas pareil !

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Ce qui ressortait dans la lettre que venait de lire, Monsieur Lambart, maire de louviers et qui  provenait de Lyon, c’était l’inquiétude d’un père dont le fils, travaillant dans cette ville de Louviers, annonçait le désir de prendre épouse.
Quelle était la position sociale de la famille de la jeune fille ?
Quelle était la réputation de celle-ci ?

Mais, le maire comprenait entre les lignes :

« Vous comprenez, il n’est nullement envisageable que notre famille se discrédite auprès de nos connaissances par une alliance qui ferait tache. Comprenez que nous ne voulons pas, non plus, être dépossédés de nos biens par une quelconque malhonnêteté venant de cette union. »

Car, la famille G avait du bien, pas plus que cela, mais tout de même. Le citoyen Benoist G était restaurateur à Lyon. Il en était fier. Sa fortune était le fruit de son travail.


Son fils, André G, lui avait vanté les grandes qualités de la fille de son patron, sa beauté, sa grâce, sa douceur, enfin toutes les qualités qu’on pouvait trouver à l’être aimé et qui faisaient qu’un garçon perdait tout jugement réaliste et devenait parfois un peu « nigaud ». Et puis, plus il était « imbécile », plus il était facile à duper !
Alors, quoi penser ?
Et si la jolie jouvencelle n’était qu’une gourgandine ?

Devant ses fourneaux, Benoist G bouillait plus que la soupe dans ses marmites, s’imaginant même le plus inimaginable.

Voilà pourquoi il s’était résolu à demander quelques précisions au représentant de la commune.

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La réponse qui lui parvint ne le rassura qu’à moitié. En effet, le citoyen Joseph F, avait en effet la chance d’avoir une bien jolie jeune fille.
Jolie ou vilaine, après tout ce n’était pas son affaire !

Mais ….. car il y avait un mais !
Ce citoyen n’était pas « méchanicien », mais siamoisier.
Pourquoi ce mensonge ? Mais après tout, s’il en vivait bien, pourquoi pas ! Il n’y avait pas de sot métier.

Oui, mais la chute faillit provoquer une crise d’apoplexie au pauvre aubergiste, tout là-bas à Lyon.
Le citoyen F n’était pas propriétaire d’une manufacture, il occupait un métier de siamoise chez lui.

La situation financière de la future famille était donc loin de celle annoncée par son fils, André.

Le maire avait conclu sa missive en précisant qu’il n’avait recueilli aucune plainte contre la famille F.
Encore heureux ! Il n’aurait plus manqué que ça !

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La distance de Lyon à Louviers se calculant en journées de voyage, il ne fut pas possible à Benoist G de se déplacer pour rencontrer son fils. De plus, il n’était pas concevable de fermer l’auberge alors qu’après un hiver rigoureux ayant un peu gelé l’activité de son commerce, ce mois de germinal annonçait une bonne reprise.

Un échange épistolaire s’établit entre père et fils qui n’aboutit à rien, chacun restant sur ses positions.

Mais pourquoi André G désirait absolument l’approbation parentale ?
Il aurait pu se marier, sans rien dire et l’affaire se serait arrêtée là.

Et bien voilà. André G n’avait pas la majorité légale. Considéré comme mineur, il avait besoin du consentement de ses parents.

De guerre lasse, ce fut le père qui céda.
N’approuvant nullement cette union, les parents ne furent pas présents le jour de la cérémonie, mais ils firent parvenir, par voie notariale un acte de consentement, en date du     26 thermidor an 13 de la République, précisant :

«…. donnent au dit André G, leur fils, l’autorisation de contracter mariage devant tout officier public avec telle personne qu’il juge à sa convenance …. »

Et vlan !
En clair : qu’il fasse ce qu’il veut, mais qu’il ne vienne pas se plaindre.


Un mois plus tard, le 21 vendémiaire an 13, André G et Marie Catherine Clothilde F s’unissaient à la  mairie de Louviers.


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