Toute la savane était en émoi et
le vent colportait alentour le murmure de la bonne nouvelle.
« Un petit roi est né !
Un petit roi est né ! »
Bonne nouvelle annoncée d’un souffle
léger, vaporeux, quasi-irréel, empli de magie, de cette magie dont parlent, à
mi-voix, les habitants de la savane.
Pourtant, c’était une bonne
nouvelle, mais afin d’éviter que les mauvais génies n’en prennent ombrage et
viennent ternir la joie par quelque mauvais tour, il était de rigueur de ne pas
faire étalage des moments de bonheur.
En effet, dans la nuit
étoilée de cet été torride, la lionne
avait mis au monde un adorable petit lionceau, promesse d’une dynastie royale.
Tous les animaux défilèrent alors
devant le tableau attendrissant, pour admirer le nouveau-né, avec force de
commentaires.
Maman lionne acceptait ces
hommages avec bonheur et simplicité, un regard attendri vers son rejeton.
Les mois passèrent. Bébé lion
avait pris du poids et des forces. Il était un peu moins pataud et, signe qu’il
n’était plus tout à fait un bébé, les poils de sa crinière, ornement royal,
commençaient à pousser.
Ce fut à partir de ce moment
précis que retentirent dans la savane, non des rugissements de plus en plus
graves, de plus en plus puissants, mais une suite continuelle et ininterrompue d’éternuements,
liés apparemment très étroitement, à la pousse des poils. Et ceci, jour et
nuit !
Là encore commentaires et
conseils allaient bon train.
Chacun avait une idée sur la
question.
L’éléphant de sa grosse voix, un
peu nasale, dit :
« A ne pas s’y tromper,
c’est une belle allergie ! »
L’hippopotame conseilla
simplement :
« Un bon bain de boue ne lui
ferait pas de mal ! »
L’hyène, en retrait,
ricanait :
« Un lion allergique à son
propre poil ! Que c’est comique ! »
Le singe agile sautait de l’un à
l’autre, à l’affût de quelque farce ou chapardage.
Maman lionne ne savait que
penser. Jamais de mémoire de savane, un pareil cas ne s’était produit.
« Que puis-je
faire ? » se désolait-elle.
- Surtout
que les éternuements incessants empêchent tout le monde de dormir, constata
l’éléphant.
- Il
va y avoir une révolution ! ricana l’hyène, heureuse de voir les choses
évoluées vers une belle pagaille.
- Je
suis vraiment désolée pour ce dérangement, s’excusait Maman lionne
Et pas besoin de vous dire que
toute cette conversation était ponctuée des éternuements plus ou moins
explosifs du petit lion qui avait bien du mal à reprendre son souffle.
Sous le soleil de ce milieu
d’après-midi, sans aucune ombre, l’éléphant ventilait la petite assemblée d’un
mouvement lent et continu de ses larges oreilles.
Soudain, levant sa trompe vers le
ciel, tel un gigantesque point d’interrogation, il lança :
« Il y a peut-être une
solution ! »
Tous les regards se tournèrent
vers lui, interrogatifs.
Seule, l’hyène dit :
« Attention, cela va devenir
très intéressant ! » espérant, en fait, que tout aille de travers.
Pour rappel, cette hyène était
très connue dans toute la savane pour sa méchanceté, sa perfidie, sa cruauté et
son ironie. Pas vraiment un personnage fréquentable !
« Je connais, poursuivit
l’éléphant, un magicien qui habite à quelques lieux de là. Il est réputé pour
sa sagesse.
- Oh !
fit maman lionne, il faut le rencontrer tout de suite !
- Oui,
bien sûr, rétorqua l’éléphant, mais il a la faculté de se rendre invisible et
cela ne va pas nous faciliter la tâche.
- Et
comment se nomme-t-il, demanda l’hippopotame, qui, réflexion faite et étant
donné la chaleur, aurait préféré se plonger dans la boue.
- Comment
s’appelle-t-il d’ailleurs ?
Attendez que je réfléchisse….. Ca y est, je crois me souvenir. Khameyléonnus
! C’est ça !
A l’annonce de ce nom un peu
particulier, l’hyène, morte de rire, se roulait dans la poussière, sous le
regard consterné de toute la petite assemblée qui trouvait cette démonstration
déplacée devant l’importance du problème à résoudre.
Même le singe, interloqué, avait
stoppé son agitation coutumière.
Petit lion, lui, éternuait de
plus bel.
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