Le soleil, au zénith, inondait la
savane, mais malgré la chaleur écrasante, on put observer, en ce début d’après-midi, un curieux cortège.
Maman lionne, à côté de
l’éléphant, ouvrait la marche. Sur le dos de l’éléphant, le petit lion qui pour
ne pas tomber à chaque éternuement se cramponnait désespérément aux larges
oreilles du pachyderme.
L’hippopotame, derrière, traînait
les pattes. Par solidarité, il avait accepté d’accompagner la petite troupe,
ayant renoncé du même coup à son bain de boue rafraîchissant.
Quelques mètres en arrière, suivait
l’hyène qui souhaitait à tout prix
connaître la tournure des évènements, surtout si ceux-ci tournaient mal.
Elle ricanait sous cape en pensant :
« Un lion
allergique !! Un Khameyléonnus invisible. Avec cela, on est bien
parti, mais pas réellement arrivé ! »
Le singe agile sautait de l’un à
l’autre à l’affût de quelque farce ou chapardage.
Ils arrivèrent tous dans un
endroit ombragé, près d’un point d’eau. Non loin de là, un village peuplé
d’humains sommeillait.
Maman lion, bébé lion toujours
éternuant, l’éléphant, l’hippopotame prirent un peu de repos et se
désaltérèrent.
L’hyène, malgré la soif, n’osait
approcher. La proximité du village la rendait nerveuse et de ce fait, elle
ricanait un peu moins fort.
Le singe agile sautait de l’un à
l’autre à l’affût de quelque farce ou chapardage, tout en s’abreuvant malgré
tout. Le chemin avait été bien long.
Le lieu semblait désert. Aucun
signe de vie, que ce soit dans l’eau, sur le sol parsemé d’herbe ou sur les
branches des arbres feuillus.
Dans la fraîcheur ombragée, tous
prirent un repos bien mérité.
L’éléphant ne ventilait plus son
entourage
Maman lionne, allongée, avait
pris entre ses pattes son petit larmoyant, exténué à force d’éternuer
L’hippopotame regrettait
amèrement son point d’eau et ses merveilleux bains de boue
Le singe accroché par un bras à
une branche, se balançait mollement, surveillant du coin de l’œil ses
compagnons de route, toujours à l’affût de quelque farce ou chapardage.
L’hyène ricanait en douce de les
voir tous, là, au milieu de nulle part, pas plus avancés qu’au début de l’aventure :
« Et tout ça pour des
éternuements ! » marmonnait-elle sournoisement.
Eternuements d’ailleurs que ne
cessaient pas.
« Cela fait un bruit de
fond, continuait-elle à mi-voix, pas très varié. Il pourrait moduler. Il manque
vraiment d’imagination ! »
Maman lionne fut la première à
poser la question qu’aucun ne voulait formuler :
« Et maintenant, que
faisons-nous ?
- Oui,
renchérit l’hippopotame. C’était bien la peine de faire autant de kilomètres, sous
un soleil de plomb.
- C’est
bien ce que je disais, ajouta sarcastique la hyène. On fait quoi
maintenant ?
- Il
faut attendre, répondit l’éléphant.
- Attendre
quoi ? poursuivit l’hippopotame qui, en plus d’une folle envie d’un bain
de boue, commençait à avoir faim.
- Attendre
que Khameyléonnus se manifeste.
L’hyène poussa un rire
énorme : « Il faudrait d’abord qu’il sache qu’on est là ! On
peut attendre longtemps ! »
- Il
s’agit d’un magicien, rétorqua l’éléphant, un tantinet vexé par la remarque de
l’hyène.
- Il
va falloir une forte dose de magie pour faire apparaître le magicien !
ironisa de plus bel l’hyène.
- Que
faire alors si il ne se manifeste pas ? demanda Maman lionne angoissée.
A ce moment, sortant de dessous
les feuilles, apparut un être tout à fait spécial.
Lentement, très lentement, il
s’approcha de la petite troupe qui, estomaquée, restait sans voix.
Khameyléonnus était devant eux et,
à n’en pas douter, il était bel et bien magicien, car il prenait la couleur du
lieu où il se trouvait. De plus, il pouvait observer aussi bien devant,
derrière que sur les côtés, en raison de
ses yeux complètement indépendants. Cet état oculaire les impressionna tous,
sauf l’hyène qui pouffait à s’étouffer.
« Vous avez vu ses
yeux ! Que c’est drôle ! Attention, je crois plutôt que ce magicien a
le mauvais œil ! »
Khameyléonnus s’approcha
silencieux, imperturbable, du petit lion qui lui éternua dans le nez. Il
l’examina attentivement, lui grimpant sur le dos où il prit la couleur du poil,
redescendant sur l’herbe dont il adopta le vert tendre, se raclant la gorge en
émettant un son grave et indéfinissable.
Puis, sans autre commentaire, il
regrimpa dans l’arbre arborant successivement la couleur du tronc et celle des
feuilles et, ffrrrtt, disparut.
La nuit tomba alors sur la
savane.
Sans un mot chacun s’assoupit,
mais aucun ne put dormir, pas seulement en raison des éternuements incessants
du petit lion, mais aussi à cause des ronflements sonores de l’hippopotame.
A quelques pas de là, l’hyène
continuait d’ironiser :
« Tu parles d’un
magicien ! Il est efficace en effet ! »
Le singe, lui, attendait la
suite, toujours accroché à la branche, se balançant mollement, et même dans son
demi-sommeil, toujours à l’affût de quelque farce ou chapardage.
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