Journal
de Rouen – juillet 1784
Avant
1789, les annonces du journal de Rouen
concernaient l’immobilier (ventes, achats de biens et location de
fermage), mais aussi objets perdus ou trouvés, offres et demandes d’emploi.
Rien
sur les affaires politiques, rien sur les autres régions et pays étrangers.
Le 2 juillet 1784
Pour
exemple, voici une offre qui dut intéresser un grand nombre de jeunes femmes de
30 à 35 ans libres et honnêtes, mais aussi bien d’autres, un peu moins libres
et pas honnêtes du tout..
« Un homme veuf,
septuagénaire, prés de quitter le commerce, désirerait trouver une fille
honnête, âgée de trente à trente-cinq ans, pour demeurer chez lui, avoir soin
et de son linge et de sa personne, enfin une fille de compagnie, son dessein
étant toujours d’avoir une autre domestique pour la cuisine et le ménage ;
il ferait à cette demoiselle un sort heureux tandis qu’il vivrait, et en cas de
son décès, il lui laisserait de quoi vivre honnêtement sa vie durant. »
Il fallut, aux femmes,
attendre le milieu du XXème
siècle pour être une « personne responsable à part entière ». Avant,
elles étaient considérées comme incapables de gérer seules leur vie, dépendant
d’un père ou d’un mari.
Dans les familles
pauvres, dés leur plus jeune âge, elles étaient placées petites servantes dans
une ferme ou dans une maison bourgeoise.
Si elles se retrouvaient
veuves, trouver une place de servante était une aubaine car logées, nourries,
blanchies et habillées. Bien sûr, débout à l’aube, couchée fort tard, elles
effectuaient tous les durs travaux en étant souvent sévèrement rudoyées par
leurs maîtres.
Combien de femmes se
sont présentées au bureau des annonces en ce mois de juillet 1784 ?
Assurément, un grand
nombre
J’imagine le défilé de
sourires, de minauderies, de regards aguicheurs, plus ou moins feints, pour
décrocher cette place prometteuse.
Le choix a dû être
compliqué pour ce veuf. Quels certificats de « bonne et honnête
conduite » étaient demandés ?
Et puis, qu’entendait
ce veuf septuagénaire par « de fille de compagnie » ?
Qu’impliquait cette fonction ?
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« Une
nourrice dont le lait est de trois mois offre de prendre l’enfant d’une
personne en place ; elle demeure dans un des faubourgs de cette ville.
S’adresser
chez M Sevrin tapissier-fripier, rue de Crosne »
Il y avait nourrice et
nourrice ! « Nourrice allaitante » et « nourrice au
biberon ».
Les femmes de la
noblesse ou de la haute bourgeoisie n’allaitaient pas leurs bébés. Souvent elles
embauchaient une nourrice, femme venant d’accoucher elle aussi, pour s’occuper
de leur enfant à demeure. Cette femme devait alors mettre son propre enfant en
nourrice.
Etre nourrice dans une
« grande maison » possédait beaucoup d’avantages et notamment ceux
d’être bien nourrie, bien logée dans une pièce près de l’enfant et bien
habillée.
Elle devait être
« présentable » (ne représentait-elle pas le bon train de maison de
la famille ?), et surtout, ne pas tomber malade, car son lait altéré par
une maladie aurait été néfaste à la santé du nourrisson.
L’annonce ci-dessus
concerne une jeune femme qui a un enfant de trois mois et souhaite, pour se
faire un petit peu d’argent, prendre chez elle un nourrisson.
La mort de son bébé
avait-elle été à l’origine de cette annonce ?
-=-=-=-=-
9 juillet 1784
« A
vendre une charge de porteur de sel au Grenier de Rouen, chambre de la Bouille
et caves de Dieppedalle ; elle est exempte de tutelle, curatelle, logement
de gens de guerre et autres charges publiques.
S’adresser
à m. Varengue Notaire »
Le sel, monopole royal,
était taxé. Cet impôt, la gabelle, représentait environ 6% des revenus royaux.
Entreposé dans des
greniers ou chambres à sel, le sel était vendu par des grenetiers, qui sous
contrôle, majoraient le prix de vente d’un droit dont le montant était fixé par
le Roi et reversé au Trésor Royal.
La Normandie, tout
comme l’Ile de France, recevait du sel en provenance des marais salants de
l’Atlantique. Ces régions, selon l’ordonnance de mai 1680, se situaient dans le
pays de « Grande Gabelle ». En effet, cette ordonnance avait divisé
le royaume en régions qui se voyaient différemment imposées sur le sel en
fonction de leur éloignement à un lieu de production saline.
Les pays de
« Petite Gabelle », dans le quart sud-est, se ravitaillaient aux
marais salants de Méditerranée. Peu de consommation par rapport à la
production, le prix du sel était donc très bas.
Les « Pays
rédimés », dans le quart sud ouest, ne bénéficiaient que d’un sel noir médiocre et très bon marché. Ses habitants pouvaient
donc consommer à volonté.
Les « pays de
salines », au Nord-est bénéficiaent du sel gemme de Franche-Comté et de
Lorraine.
La Basse-Normandie
faisait partie du « pays de quart bouillon ». Son sel était extrait
du sable grâce à un traitement par ébullition. Le roi percevait sur sa vente,
un droit du « quart » d’où son nom.
Il y avait des
« pays exempts », dans lesquels le commerce de cette denrée ainsi que
son prix étaient libres : Flandre – Artois – Boulonnais – Navarre et
surtout la Bretagne.
Un statut privilégié,
mais aucune infirmation sur ce privilège, pour Paris et Versailles.
Quant à la Corse, elle
n’était pas soumise à la gabelle.
Toutes ces disparités
incitaient, bien évidemment à la fraude et à la contrebande.
Mes contrebandiers,
nommés faux-sauniers, risquaient jusqu’à la peine de mort pour leur commerce
illicite.
Des agents de la
Gabelle, les gabeleurs, employés dans les « Fermes du Roy » faisaient
donc de nombreux contrôles, allant jusqu’à se présenter chez les habitants pour
vérifier la quantité de sel qu’ils avaient à leur domicile, vérifiant
méticuleusement si cette quantité n’était pas, par le hasard de la fraude, supérieure
au chiffre noté sur le billet de gabellement en leur possession, document
attestant la quantité de sel achetés au grenier à sel et la date de l’acquisition.
En cas de fraudes avérées, les sanctions tombaient : amendes,
emprisonnement, peine de mort.
Le canton de Duclair
comptait 491 employés à la Révolution. Après l’abolition de la gabelle, ils
devinrent pour la plupart, douaniers.
Les greniers à sel
étaient des entrepôts de l’Etat qui prélevait « la gabelle ». Le sel,
amené des lieux de productions était mis à sécher dans les chambres de dépôts
pensant deux ans.
Les habitants des
paroisses environnantes devaient venir y chercher tous les ans le « sel du
devoir », 3.5 kgs par personnes de plus de 8 ans.
Greniers à sel de la
généralité de Rouen au XVIIème siècle :
Des chambres de dépôts
dépendant d’un Grenier à : Eu – Dieppe – Fécamp –Le Havre – Honfleur –
Harfleur – Pont-Audemer -.
Des greniers de ventes
volontaires à : Lisieux – Bernay – Evreux – Louviers – Vernon – Les
Andelys – Pont-de-l’Arche – Rouen – Caudebec – Gisors – Gounay – Neufchatel.
Des greniers
d’impôts : Le Tréport – Saint-Valéry – Quillebeuf - La Bouille –
Dieppedalle.
sources
Lexique historique de la France d'Ancien
Régime, G. CABOURDIN et G. VIARD,
L’impôt des gabelles en France aux XVII et
XVIIIème siècle ; Jean Pasquier
Paris, Armand Colin, 2006, 3e édition.
Dictionnaire illustré de l’histoire de
France, A. Decaux et A. Castelot
Je
recherche actuellement dans quelle paroisse se situait le grenier à sel de
Rouen. Je suppose non loin du port. Je ne manquerai pas de vous faire part de
mes trouvailles dans un autre article. Mais, bien entendu si vous avez des
pistes n’hésitez pas à m’en faire part.
-=-=-=-=-
« Une femme de quarante ans
désirerait trouver place chez un monsieur seul ou une dame dans un couvent,
elle se propose aussi pour gouvernance d’enfants
S’adresser à M Ballant, dentiste, à
l’entrée de la rue Beauvoisine »
Voilà
une femme seule a présent recherchant monsieur seul, lui aussi …….
Ne
pourrait-on pas mettre en relation cette femme et l’homme septuagénaire ?
A mon avis, ils seraient faits pour s’entendre ?
Zut !
La dame est sûrement trop âgée ! Quarante ans !!
-=-=-=-=-
Voilà
une annonce bien particulière et qui a dû attirer l’attention. Ce professeur,
afin de mettre en avant ses connaissances, a rédigé le texte en Anglais et en
Français, petite initiative qui lui valut l’avantage de toucher, en une fois,
un plus large public.
“John Ducout teaches English, French, Latin, Geography
with out the use of the Globes and the art of reading.
John
Ducout montre l’Anglais, le Français, le Latin par principe, la géographie,
dans l’usage des Globes, l’art de bien lire.
Il
demeure rue Tirhuit, chez M. Le Courtois, porte Saint Eloi. »
John Ducout habitait la
rue Tirhuit, rive droite de la Seine.
« Tirhuit » nom provenant assurément de huis, signifiant
porte. En effet, cette rue se situait non loin des remparts, près de la porte
Saint-Eloi.
Cette rue porte
aujourd’hui le nom de l’architecte Defrance (Jean-Pierre 1694-1768). Elle se
situe à quelques pas de la rue Poussin.
Jean-Pierre Defrance, sculpteur et architecte français, né le 8
décembre 1694 à Rouen et décédé à Rouen le
22 mars 1768.
Connu
pour ses nombreuses interventions dans les anciennes églises de Rouen et sa participation
au décor de la fontaine du Gros-Horloge.
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Puis
cette autre annonce proposant également un enseignement de qualité.
« Un abbé anglais, connus de
plusieurs personnes de distinction de cette ville, enseignera les principes de
sa langue, 4 fois par semaine, depuis 9 jusqu’à 11 heures du matin, à 3 livres par
semaine, chez lui ; le reste du temps, il le dévouera à l’instruction des
pensions et des particuliers qui désireraient profiter de ses leçons, chez eux.
Il ose se promettre des progrès rapides de la part de l’esprit et de
l’application, et il se fera un plaisir de répondre aux difficultés les plus
embarrassantes, et de faire goûter les beautés de Milton et autres écrivains
les plus célèbres.
S’adresser chez M Maze, rue Boudin. »
Perpendiculaire à la
rue Saint-Lô et à la rue aux Juifs, la rue Boudin, à Rouen, longe l’arrière des
bâtiments composant le Palais de Justice.
Etre professeur, sous
l’Ancien Régime, n’était autre qu’un emploi équivalent à domestique, ce qui
fait que très souvent les professeurs vivaient dans la misère.
Etre précepteur à
demeure dans une famille noble était une rude tâche, elle impliquait l’éducation et l’instruction des enfants.
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