Quelles
grossesses !
31
mai 1765
« Lettre à M. Le Cat, à
l’occasion d’une grossesse de quinze mois :
M. Une personne de distinction,
accoucha à Pont-de-L’arche, le 26 mai jour de la pentecôte, après avoir éprouvé
une grossesse de 15 mois ; je m’adresse à vous, M. pour sçavoir (sic) les
causes de ce retardement. J’espère par vos lumières être éclairci sur un
prodige aussi étonnant, & par là donner de la tranquillité aux femmes qui
pourroient être dans le même cas.
J’ai l’honneur d’être, &c….. »
Vers adressés à la même personne, à
l’occasion de ses couches :
La nature a réglé les
saisons et le tems (sic),
Et la terre ne donne
Les présens (sic) de
l’automne,
Que lorsqu’elle a perdu
les graces (sic) du printems (sic).
Mais pour vous la
nature, adorable Erigone,
A bien voulu changer
ses loix (sic)
Pour nous offrir tout à
la fois,
Et les fleurs du
printems (sic) et les fruits de l’automne.
Après
quelques recherches j’ai retrouvé l’acte de naissance de l’enfant. Je vous le
soumets ci-dessous :
« Le mardi 28 may
mil sept cent soixante cinq a été baptisé par messire jean Nicolas Ducroq sieur
de Biville un garçon né le 26 de ce mois
et du légitime mariage de messire Jean Martin Louis de Vauvillon, chevalier
baron de Langlade, seigneur de la Chaud et autres lieux et de noble dame
Marguerite Barbe Anne du Croq de Biville son épouse, nommé Alphonse Jean Louis par messire Jean Nicolas David Ducroq de Biville
Ecuïer et par haute et puissante dame Geneviève Alphonsine épouse de haut et
puissant seigneur messire Arnauld François Dufort comte … (je n’ai pu lire le
mot) et de Clermont représentée par noble demoiselle Anne Marguerite Léonore du
Croq de Biville, parain et maraine soussignés …. »
Que
du beau monde en effet !
Je
n’ai rien pu découvrir sur les parents de ce bébé.
Par
contre, je peux vous apprendre que Jean Nicolas David, le parrain, né du mariage
de Jérôme Ducroq de Biville et de Barbe Vallet, fut baptisé le
dimanche
22 février 1699 à Pont de l’Arche.
Jérôme Ducroq de Biville, son père, avait épousé dame
Vallet, le mardi 27 février 1685
à Pont de l’Arche. Il exerçait la fonction de « Greffier en chef civil et criminel au
baillage de Pont de l'Arche ».
Si nous remontons encore une génération, le père de
Jérôme avait, lui aussi une charge importante, puisqu’il était « Conseiller
du Roy, assesseur au baillage et vicomté du Pont de l'Arche ».
Acte de naissance de
jean Nicolas David :
« Dimanche vingt deuzième de février a été baptisé un fils né le dix
neuvième du mesme mois du légitime mariage du nommé Jérosme Ducroq sieur de Biville greffier civil et criminel
aux juridictions royales de Pont de l’Arche et demoiselle Barbe Vallet sa
femme, nommé Jean Nicolas David par nommé Jean Caney sieur de Villedieu et dame
Marguerite Auber femme de nommé Nicolas Langlois sieur du Jeucour lieutenant
général au dit Pont de l’Arche, parein et mareine. »
L’acte
de mariage de Jérôme Ducroq de Biville et dame barbe Vallet, nous apprend que
la mariée n’était pas la fille de n’importe qui, car son père David Vallet,
était avocat à la cour et greffier civil et criminel au baillage et vicomté de
Pont de l’Arche.
Mais
dans tout cela, rien ne justifie une grossesse de quinze mois…..
7
juin 1765
« Lettre à l’éditeur des
Annonces
J’ai lû (sic) M. dans votre
dernière feuille, une lettre adressée à M. Le Cat, à l’occasion d’une grossesse
de 15 mois. Un évènement aussi extraordinaire dans la nature, & si
intéressant pour l’honneur & la fortune des familles, éxigent (sic) des
détails. Le Magistrat & le Philosophe auroient désiré que vous eussiez fixé
son incertitude, fait cesser ses doutes, & éclairci le merveilleux de
l’histoire, en lui aprenant (sic) les faits qui peuvent constater la grossesse
de 15 mois, si la mere (sic) n’a été affectée d’aucune maladie avant et pendant
sa grossesse ; si l’enfant n’étoit pas plus formé que celui qui naît
suivant les régles (sic) ordinaires de la nature ; & enfin, si cet enfant
a eu vie ou non. Le public instruit connois (sic) les deux Mémoires de M.
Louis, Professeur Royal de Chirurgie à Paris, contre la légitimité des
naissances prétendues tardives, qui ont paru l’année dernière, & dans
lesquels ce sçavant (sic) Académicien concilie les loix (sic) civiles avec
celles de l’économie animale. La solidité de ces deux Mémoires, l’adhésion des
plus célébres Médecins & Chirurgiens de Paris, la foiblesse (sic) des
ouvrages du parti oposé (sic), ont affermi l’Europe entière dans la persuasion
où elle a toujours été, qu’une naissance tardive, sans maladie ou cause
étrangère dans le cours de la grossesse, est l’effet ou d’une erreur de
suputation (sic) de la part des femmes qui n’ont aucun intérêt à déguiser
l’époque à laquelle elles croyent (sic) avoir conçu, ou de la supercherie d’une
femme qui veut donner un héritier à son mari mort sans enfans (sic) j’espère
que M. Le Cat, ou vous, M. satisferez incessamment la curiosité du public sur
un fait qu’il est en droit de révoquer en doute, jusqu’à ce que vous l’ayez
éclairci.
J’ai l’honneur d’être, &c……. »
« Réponse de M. Le Cat, à la
lettre insérée dans la Feuille dernière, sur une grossesse de 15 mois.
M. depuis l’événement de la dent
d’or, on ne s’avise plus guère d’expliquer des phénomenes (sic) qu’ils ne
soient bien constatés. Une grossesse de 15 mois, est un de ces faits qu’on ne
doit croire que quand on en a des preuves bien convaincantes ; & il
faut convenir que ces preuves ne sont pas faciles. Ayez donc la bonté, M. de me
les fournir, non pas en public ; je conçois que les considérations que
l’on doit à la personne accouchée, & la délicatesse du sujet même,
demandent plus de ménagement & de décence ; mais au moins qu’on me communique en particulier des
détails bien circonstanciés & bien avérés de cette observation, & je
m’offre alors de l’expliquer de mon mieux.
J’ai l’honneur d’être, &c……
Nous tâcherons de procurer à M. Le
Cat les éclaircissemens (sic) qu’il nous demande, & de satisfaire la
curiosité du public, sans compromettre la décence ni les personnes. »
21
juin 1765
« Lettre à l’auteur des
annonces sur les naissances tardives
Les naissances tardives, Monsieur,
ne sont point si rares qu’on le croit. A celle dont on a demandé la cause à M.
Le Cat, je joins le recit (sic) circonstancié & détaillé d’une, qui ne peut
être attribuée à aucun dérangement de l’économie animale. C’est celle de mon
propre fils ; il est né après une grossesse d’onze mois. Le fait est
certain. La mère a joui d’une pleine & parfaite santé depuis l’instant de
la conception jusqu’à celui de l’accouchement. Les premiers mois de la
grossesse ont été annoncés par les signes ordinaires, le quatrième par le lait
& les mouvemens (sic) internes du fétus qui se sont fait sentir. La force
de ces mouvemens (sic) s’est accrue par degrés, de force que dans le neuvième
mois on les reconnoissoit au toucher, pour être tels qu’ils sont ordinairement
peu de jour avant les douleurs de l’enfantement. Dans le dixième &
l’onzième mois il étoient si considérables, que la femme en étoit incommodée.
Enfin elle accoucha, non sans peine, d’un enfant qui pesait 22 livres, &
dont la grandeur étoit de 24 pouces. Cet enfant, d’un tempérament robuste,
marchoit seul dès l’âge de dix mois ; il est actuellement âgé de 15 ans.
Il étoit pubère avant douze. Je garantis la vérité de ces faits, & j’en
demande la raison physique. »
Je suis, Monsieur, &c…..
22
livres, soit 11 kilogrammes !!!
Comment est-ce possible ?
Et
il est dit que la mère « accoucha, non sans peine » !!
24
pouces cela fait environ 61 centimètres.
Pas
très proportionné le bambin !
Normalement
pour 61 centimètre un bébé doit faire 4 kgs !
Une
question ne pose : le père n’aurait-il pas un peu abusé de la bouteille
pour fêter l’évènement !
Si
c’est le cas, alors réduisons à 11 livres, soit 5 kgs 500 ce qui est déjà un
peu plus que la moyenne et gardons les 61 centimes !!!
2
août 1765
« Réponse de M. Le Cat à
l’auteur de l’observation sur une grossesse de 11 mois, insérée dans la feuille
du 21 juin dernier
En 1753, M. je lûs (sic) à la
séance publique de notre Académie l’histoire d’une grossesse de trois ans. M.
Winslow témoin oculaire la fit insérer de son côté dans le volume de l’Académie
des Sciences de Paris, même année, p. 139. Quand on est disposé à croire un pareil
fait, M. il n’y a pas d’aparence (sic) qu’on refuse sa croyance à celui dont
vous donnez l’observation dans la feuille 56. Quoique m. Winslow & moi
n’ayons rendu publique cette grossesse si singulière, que sur des témoignages
qui paroissent très authentiques, il est aisé d’être trompé sur des faits aussi
délicats, & j’ai crains de l’avoir été par des soupçons que d’autres gens
de l’art ont jetté (sic) sur nos premiéres (sic) informations ; j’en fais
faire actuellement de nouvelles, car on ne sçauroit (sic) trop prendre de
précautions pour éviter l’erreur : à propos de cela, M. Je vous réitére
(sic) la priére que je vous ai faite de me donner en particulier sur la
grossesse de Madame votre épouse des détails très circonstanciés qui soient mes
garans (sic) auprès du public ; sans cela je ne pourrois faire usage de
cette observation. Je serois cependant charmé qu’elle figurât avec plusieurs
autres que j’ai & qui se confirmeroient réciproquement. Je ne puis
travailler à l’ouvrage que j’ai projetté (sic) de faire sur ce sujet que quand
je serai muni de tous ces matériaux amassés avec les précautions susdites.
Si vous êtes, M. impatient de voir
l’explication de votre phénoméne (sic) lisez un dernier Ouvrage de M. Le Bas,
Chirurgien de Paris : intitulé nouvelles observations sur les naissances
tardives. Lisez sur-tout (sic) la Consultation qui est à la fin du Livre. C’est
un chef d’œuvre que je crois, par le style & par la force des choses, du
célèbre M. Petit, Docteur-Régent en Médecine & en Chirurgie à Paris.
J’ai l’honneur d’être, &c….. »
Un
nom revient souvent dans les articles traitant de médecine, au fil des pages du
journal de Rouen, c’est celui de M. Le Cat.
Ma
curiosité, toujours en éveil, m’a interpellée : « qui était-il ? »
Alors,
j’ai effectué quelques recherches et en voilà le fruit :
Claude-Nicolas
Le Cat naquit le 6 septembre 1700 en Picardie, et plus précisément à
Blérancourt.
Il
se destina très jeune à la médecine et à la chirurgie, et vous ne trouverez pas cela très étonnant
quand je vous aurais dit qu’il était fils et petit-fils de chirurgien.
Ses
premières études, il les effectua bien évidemment auprès de son père, avant de
partir à Paris, en 1726.
Puis,
il vint à Rouen où il travailla à l’Hôtel-Dieu d’abord comme
« survivancier », puis comme chirurgien, à partir de 1734.
Sa
carrière de chirurgien fut jalonnée de succès. Il fut un des premiers à
extraire des calculs dans la vessie et réalisa la première extirpation d'un polype
vésical à travers l'urètre dilaté. Grâce à son expérience chirurgicale, il
inventa ou perfectionna des instruments comme l'uréthrotome, le lithotome, le
gorgeret cystotome dilatateur.
Le 20 août
1768, Monsieur Le Cat décéda à l'Hôtel-Dieu. Son gendre David lui succéda au
poste de chirurgien en chef.
Je
vous soumets, ci-dessous, un extrait de
l’acte d’inhumation de M. Le Cat :
« …. Messire
Claude Nicolas Le Cat, écuyer docteur en médecine, chirurgien en chef de cet
Hôtel-Dieu, Lithotomiste, pensionnaire de cette ville, professeur démonstrateur
royal en anatomie et chirurgie ; correspondant de l’académie des sciences
séparées, doyen des associés …. (mot illisible) de celle de chirurgie de la
même ville, des académies royales de Londre, Madry, Porto, Berlin, Lion, des académies impériales
des curieux de la nature ; et de St Petersbourg, de l’institut de Bologne,
secrétaire perpétuel de l’académie des sciences de Rouen, natif de Blérencourt
en Picardie, âgé de 68 ans ou environ, demeurant en cette paroisse, décédé le
jour d’hier muny des sacrements de l’Eglise a été inhumé par moy soussigné
chanoine régulier, prêtre prieur Royal et titulaire de cet Hôtel-Dieu et cure
de cette paroisse dans nostre Eglise en présence du chapitre et de M. Jean
Pierre David docteur en médecine membre de l’académie des sciences de cette
ville et chirurgien en chef en survivance de cet Hôtel-Dieu, y demeurant en
cette paroisse, gendre du deffunt, de M. Jean Anthoine Ferandy avocat en
parlement, greffier du bureau d’administration de cet Hôtel-Dieu, cousin du
deffunt demeurant paroisse S. Denis soussignés et des autres amis du
deffunt…….. »
Une
sacrée carte de visite !
Etant
donné que M. Le cat avait un gendre, nous pouvons en déduire qu’il avait eu au
moins une fille et donc qu’il était marié, comme il se devait à cette époque.
Mais, rien sur sa vie privée.
Concernant
les « grossesses tardives », rien dans les articles du « Journal
de Rouen » au cours des articles du premier semestre 1766.
Les
informations complémentaires demandées, si elles ont été transmises, n’ont pas
donné réponses par voie de presse.
D’ailleurs,
après la naissance d’un enfant, que pouvait-on constater de la grossesse
passée ?
Et
un médecin réputé ne se risquerait pas à attester d’une quelconque conclusion
sans preuve à l’appui. Normal !
Très étranges ses grossesses "tardives"...
RépondreSupprimeren tout cas, beau travail de recherche. et que de beau monde !
Étrange en effet, je vous l'accorde, mais n'étaient-elles pas "attestées tardives" pour éviter quelques questions gênantes concernant la paternité !! mais ne suis-je pas médisante ?
RépondreSupprimermerci de votre commentaire, j'aimerais que beaucoup aient votre courage et mettent quelques réflexions, afin que ce blog, que j'ai créé pour échanger, devienne un "réel lieu d'échanges".
en ce qui concerne cette rubrique, beaucoup de travail de recherches, je vous l'accorde. C'est aussi ce qui lui donne ce côté passionnant, mais aussi décevant, car je ne trouve pas toujours les renseignements souhaités.
si ce blog vous intéresse et vous amuse, merci d'en faire part autour de vous, cette petite publicité lui permettra ainsi de vivre pleinement.
merci encore à vous et à bientôt j'espère.