mardi 13 octobre 2015

1765 - TROISIEME PARTIE




Intempéries

12 avril 1765

« Les gros tems (sic) ont obligé plusieurs Navires sortis des Ports, d’y rentrer ; les Marins assurent n’avoir jamais vû (sic) la Mer si grosse. »

Toutes les régions de Bretagne, de Normandie et du Nord furent touchées par des vagues successives d’orages, de grêle, d’ouragan, au cours de cette année 1765. Les Iles Britanniques subirent également les assauts violents d’une météo apocalyptique.
Je vous le laisse découvrir dans les articles qui suivent.


26 avril 1765

« La nuit du 28 au 29 du mois dernier, un coup de vent détacha une Isle d’environ trois arpens (sic) de la côte occidentale du Lac de Grand-lieu, & la poussa avec violence sur la côte septentrionale, occupant l’espace d’une demi-lieue ; elle est liée, sans interruption, dans toute son étendue ; ses deux pointes sont apuyées (sic) sur les pointes du continent, & forment une baye (sic) de 150 toises. Elle flotte dans son milieu ; elle est épaisse de 4 ou 5 pieds, & couverte de roseaux, d’herbes marécageuses & d’arbustes.
On a remarqué, depuis plusieurs années, que les côtes méridionales & occidentales de ce Lac perdoient considérablement, par la répulsion des vents de sud-ouest, sans que les côtes oposées (sic) puissent leur faire de restitution, à cause de la différence du sol. »

Le Lac de Grand-Lieu,  est situé à 14 kilomètres de Nantes, en bordure du Pays de Retz. Alimenté en eau par l'Ognon, la Boulogne et son affluent la Logne, il représente un patrimoine naturel d’exception pour la commune de Saint-Aignan-de-Grand-Lieu. Il s’étend en quasi-totalité sur le territoire de la commune de Saint-Philibert-de-Grand-Lieu.
Lors de tempêtes, des parcelles, mesurant jusqu’à un hectare, sont arrachées par le vent, formant des ilots dérivant sur le lac.


6 septembre 1765

« Le 29 de ce mois dernier, sur les neuf heures du matin, nous essuyâmes un orage, accompagné de  quelques coups de tonnerre très-violens (sic) la foudre tomba sur la seconde marche de la maison de M. le Vicaire de S. Hilaire, qui étoit pour lors sur la première ; il brisa la pierre ; il fut ensuite à une maison voisine, y cassa quelques vitres, brûla partie d’une vigne & un figuier, & ne fit point de mal. »

J’ai cherché le nom du vicaire de la paroisse de Saint Hilaire, mais hélas, les documents sur les registres de 1765, ne portent aucune mention du nom du prêtre ou de son vicaire et aucune signature, à l’exception de celles des personnes de la famille présentes ou des témoins,  ne figure au bas des divers actes.

Au XVIIIème siècle, la paroisse de St-Hilaire était située hors la ville, au bord de la route qui menait vers l’est, dans la vallée du Robec et recouvrait un faubourg d’artisans tisserands assez pauvres.

Au début, il n’y avait qu’une petite chapelle médiévale.
On sait qu’elle fut, au moment des différents sièges, tour à tour endommagé, démolie et reconstruite. Puis, elle fut agrandie en 1835 par l'abbé Grouet qui en était alors le curé.
En 1871, St-Hilaire fut retenue pour être succursale paroissiale. Elle fut fermée en 1793 et rendue au culte en 1802.

J’ai appris aussi que :
En 1770, le clergé ne comptait qu’un seul prêtre, mais aucune mention de son nom.
En 1834, le Curé se nommait M. Denize.
Et puis, en 1835, il s’agissait de l’Abbé Grouet.


20 septembre 1765

« Le 20 du mois dernier, vers les 10 heures du matin, un ouragan a fait un ravage étonnant dans l’enclos d’une Ferme en la paroisse de Crosville-en-Caux. Le vent fut si violent, qu’il ébranla le pavillon en brique jusque dans ses fondemens (sic), & en fit tomber 3 à 4000 ardoises, cassa trente carreaux de vitres, renversa plus de cent pieds d’apentis (sic), quatre-vingt-quatorze pieds de grange, endommagea toutes les couvertures de ladite Ferme, abattit 30 pommiers dans la masure, & 3 ormes extrêmement gros, fit tomber plus de 220 boisseaux de pommes, & souleva la charpente de la maison du Fermier de dessus la maçonnerie, fit balancer le clocher, qui est proche : le dommage est, dit-on, au moins de 3000 livres. Heureusement les environs ne s’en ressentis que peu. »

Quelle est cette ville de Crosville en Caux ? Etait-ce l’ancien nom d’une commune d’aujourd’hui, si oui, laquelle ?
Considérant aussi, que le rédacteur du journal effectuait, parfois pour ne pas dire souvent, quelques fautes dans les noms propres, j’ai essayé de creuser un peu l’information.

Cauville sur mer, située sur la rive droite de la Seine, à environ quinze kilomètres du Havre, se trouve sur une falaise en bordure de mer. Est-ce en ce lieu ?
Ou, plus vraisemblablement, il pouvait s’agir de Fauxville en Caux, entre Fécamp et Yvetot,  dont la consonance est plus proche de Crosville en Caux.
Mais  je n’ai aucune certitude, en fonction du peu d’éléments en ma possession.


11 octobre 1765

« La tempête du 4, a occasionné au Havre bien du ravage. Voici ce qu’on nous mande.
Le 3 de ce mois, le vent commença assez vivement vers le midi. Le 4, il devint si violent, que pendant le jour et la nuit du 4 au 5, il abattit un nombre de cheminées de cette ville, y découvrit la plus grande partie des maisons, & n’a cessé que ledit jour 5, à cinq heures du matin : les boules de plomb de la couverture de l’Hôtel de Ville, qui portent chacune une fleur-de-lys, ont été ployées & abattues sur les couvertures d’ardoises ;  une faîture (sic) de plomb du sommet de la couverture, a été enlevée. En un mot, on ne se souvient point d’avoir vu rien de semblable ; chacun eut le soin d’éteindre le feu, crainte d’incendie.
Le Havre n’est pas le seul endroit qui a souffert, le reste de la Province n’a point été épargné ; dans bien des lieux les arbres ont été dépouillés de leurs fruits & de leurs feuilles, arrachés ou écartelés ; les maisons découvertes ou renversées ; de ce nombre est, dit-on, un coin de l’Eglise Cathédrale de Bayeux : nos vieillards ne se souviennent point d’avoir vu rien de semblable ; on ne peut apprécier (sic) le dommage, mais on peut assurer qu’il est grand. Cette Capitale en a été quitte pour des cheminées, tuiles & ardoises abattues. »


Les archives historiques du Havre nous apprennent que ce 4 octobre :
« Une forte tempête, connue sous le nom de Coup de vent de Saint-François provoque d'énormes dégâts. »

Le site de Fécamp note :
« 1765 - Le 29 août depuis environ 3 heures du soir jusqu'à six heures du soir, il y eut à Fécamp une crue considérable, occasionnée par l'eau d'un fort orage ; l'eau s'écoulait par le marché, la basse rue Sainte Croix et par dedans quelques maisons de la même rue. »

« 1765 - Le 4 octobre, il se leva, sur les quatre heures du soir, un ouragan des plus violents qui dura jusqu'à trois heures du matin du cinq en suivant. Plusieurs édifices tombèrent, d'autres furent naufragés (!), beaucoup d'arbres et moulins à vent abattus ; il ne fut point beaucoup parlé de naufrages en mer. »


8 novembre 1765

« L’ouragan que l’on essuya à Bayeux le 4 octobre, commença vers trois heures après-midi, & n’a cessé qu’à une heure après minuit : on a dit sans fondement que le vent avoit emporté un coin de la Cathédrale ; il a seulement abattu deux grandes croisées, qui avoient été refaites à neuf depuis peu, & qui en tombant ont causé quelque dommage au pavé de l’Eglise ; il n’en a pas été de même des maisons du Château de cette ville, une partie a été écrasée par la chûte (sic) d’une haute cheminée, & ce qui reste a été si ébranlé, qu’il n’est plus possible d’y habiter. »


Rien sur les dégâts subis par la cathédrale, seulement une petite information : « La Maison du Gouverneur de Bayeux fut totalement ruinée par l’ouragan.»


13 décembre 1765

« Depuis l’ouragan du 4 octobre, qui a fait beaucoup de dégâts dans la Province, il est venu sur les Côtes de l’Amirauté de Cherbourg, 33 pièces & bariques  (sic) d’eau-de-vie & de vin, réputés fûts de Cette (sic), ayant des cercles de châtaignier. »


Gageons qu’il y avait bien plus de barriques. Un certain nombre ont dû faire de bonheur de quelques uns…….
Il faut bien boire à la santé du Roi et quand on peut le faire sans rien débourser !…..


20 décembre 1765

« La tempête, qui a été à peu près aussi violente que le 4 Octobre dernier, a fait un tort considérable sur nos Côtes, & notamment aux biens qui avoisinent la mer par-dessus les fortifications, & inondé une partie des terres de Percamville ; apartenantes  (sic) à S. A. A. Monseigneur le Comte de la marche, entre la Citadelle du Havre &   le village de Lheure, tous les ouvrages & les terres qui ont beaucoup souffert, sont encore très-exposées (sic), s’il n’y est remédié avant les grosses mers prochaines. »


Les terres de « Percanville » devinrent, un temps, un quartier du Havre avant de n’être, aujourd’hui, que le nom d’une rue.
Aujourd'hui, la rue de Percanville est une des dernières rue de la Paroisse de Saint-François à avoir conservé ses gros pavés. On peut encore y voir quelques vieux immeubles d'avant guerre, juste derrière l'Eglise Saint François. Ils ont échappé par miracle aux explosions et aux incendies de la Seconde Guerre Mondiale.


Pour achever le chapitre des terribles intempéries, je vous soumets ce que j’ai découvert dans « l’histoire sommaire et chronologique de la ville de Rouen », écrit par Nicétas Périaux.
« 1765 – on essuya à Rouen le 12 septembre, un très fort orage. Il tomba de la grêle dont quelques grains étaient de la grosseur d’un œuf de pigeon. La ville perdit ses vitres, la campagne le reste de ses récoltes et les jardins leurs légumes. Une inscription, rappelant cet évènement, fut placée dans l’ancienne rue Binet qui était voisine de la Porte Grand-Pont. »


La rue Binet, à Rouen, non loin de l’Eglise du Sacré-Cœur, donne dans la rue du Renard et le boulevard Jean Jaurès.
Aucune indication concernant une inscription. Alors, si toutefois, vous avez quelque renseignement la concernant, n’hésitez pas à m’en faire part.



C’est ce qu’on pourrait appeler un sacré « coup de foudre » !

6 septembre 1765

« On nous mande de Pont-l’Evêque, que le même jour, environ sur les deux heures après-midi, M. de Pellegas, Officier dans les armées du Roi, lequel avoit près de 40 années de service, Chevalier de l’Ordre royal & militaire de S. Louis, a été tué par le Tonnerre, dans la paroisse de S. Martin-aux-Chartrains ; & que son neveu qui étoit assis auprès de lui, a été grièvement blessé.
M. le Chevalier de Pellagas étant dans sa cuisine, avec une partie de sa famille & plusieurs domestiques, le tonnerre est tombé sur la cheminée, a fait tomber plusieurs briques, est entré dans une chambre, a cassé les vitres & un pot de fayance (sic), a pénétré par une fente qui étoit au plancher dans la cuisine, a terrassé M. le Chevalier de Pellegas & son neveu. Le premier est mort sous le coup, sans avoir eu le tems (sic) de respirer, son chapeau a été déchiré, ses cheveux brûlés, le bouton d’une de ses manches fondu, le cristal de sa montre cassé, le cordon réduit en cendre, un de ses souliers mutilé ; l’on n’a trouvé aucune blessure mortelle sur son corps ; & les habillemens (sic) n’ont en aucune manière été endommagés. Le second, quoique vivant, semble avoir été beaucoup moins ménagé par le tonnerre : ses habits & sa chemise n’en ont cependant reçu aucune altération, la foudre a imprimé ses traces en ligne spirale sur son corps, depuis son cou jusqu’au bas de ses jambes, un de ses souliers a été morcelé & presque brûlé ; les parties de son corps frapées (sic) du tonnerre, sont marqués d’une couleur rouge, accompagnée de douleur, & de deux brûlures que l’on dit être superficielles. L’on espére (sic) qu’il ne tardera pas à se rétablir.
On ajoute, que le lendemain 30 du même mois, environ huit heures du soir, l’on a vu dans la partie occidentale de notre hémisphère, un Arc-en-ciel lunaire, dont la durée a été de six minutes, & dont les couleurs ne presentoient (sic) qu’une nuance de bleu, de blanc & de noir. »


Quelques recherches m’ont amenée vers la petite église de Saint-Martin-aux-Chartrains, non loin de Pont-l’Evêque.
Dans les actes paroissiaux, j’ai découvert ce qui suit :

« L’an 1765, le vendredi (le numéro du jour se trouvait dans la pliure du registre !!) jour du mois d’août a été inhumé dans l’église de cette paroisse le corps de Jean Alexandre de Peligas, chevalier de l’ordre militaire de Saint-Louis décédé âgé d’environ 57 ans. Présence de messieurs les curés de Canapville, Roncheville et autres. »

Les signatures : Pilon curé de Ronceville – le Curé d’Auger (sans autre précision), le curé de Coudray (sans nom) - Dumont, curé de Canapville, doyen de Toucques.

Concernant, Auge, il s’agit, je suppose de la ville d’Englesqueville en Auge.

Malheureusement, l’acte d’inhumation ne portant pas les mentions renseignant sur : « fils de …. » et  « époux de …. », je ne peux rien dire de plus sur ce chevalier, sauf qu’il avait un neveu.


Effets à vendre

12 juillet 1765

« Une grande & bonne Horloge de fer, à pendule, montante à manivelle & à trois mouvemens (sic), elle sonne les quarts, la demie, les trois quarts & l’heure ; elle a 19 pouces de haut, autant de large, & peut marquer l’heure sur plusieurs cadrans & sonner  sur une forte cloche ; elle est bonne pour Eglises, Couvens, (sic) Châteaux & autres endroits ; il faut peu de poids pour la faire marcher.
Un grand cadran de bois de chêne, de deux pieds et demi de large en carré ; on fera composition. S’adresser, à Rouen, chez le sieur Mare, Serrurier, rue Potard. »


La rue Potard, ou encore Polart,  à Rouen dont le nom pourrait venir de fabricants de poteries qui se seraient installés en cet endroit, détruite en 1944 pendant les bombardements,  a disparu aujourd’hui. Elle était non loin des quais, sur la rive droite de la Seine, à la pointe de l’île Lacroix
Au sud de cette rue se situait l’impasse Mastiquet et l’impasse Lambert.


Dans les avis divers

12 juillet 1765

« Les Entrepreneurs de la Manufacture de Forces Anglaises à tondre les draps, établie par Arrêt du Conseil du 8 Septembre 1758 à Saint Gilles, près Rouen, font fabriquer aussi des Outils à usage des Corroyeurs, comme lunettes, demi-lunettes, couteaux à revers ou plane, de toutes grandeurs & autres espèces. S’adresser au Sieur Masson, à la Manufacture anglaise, à S. Gilles, près Rouen ; au Sieur Fortier, rue Grand-pont ; ou au Sieur Roussin, au cours, à Rouen ».


Le corroyeur est un ouvrier chargé d’exécuter toutes les opérations par lesquelles le cuir tanné est amené à l’état de finition.
Pour effectuer son ouvrage, il se servait de lunettes et demi-lunette. Concernant ces outils, nous pouvons lire dans « le dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers » de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert :
Lunette de corroyeur : instrument de fer, servant pour ratisser et parer les cuirs ; de figure sphérique, plate et très tranchante par sa circonférence extérieure. Il y a au milieu une ouverture ronde assez grande, pour que l’ouvrier puisse y passer la main pour s’en servir.

Saint Gilles est actuellement une zone industrielle  aux limites de la ville de Darnétal. Il existe une rue Saint-Gilles qui borde cette zone industrielle.


Naissances, encore et toujours …..

26 juillet 1765

« Dans l’Estramadure, en Espagne, une femme âgée de 30 ans, y a mis au monde, dans le cours d’une année, six enfans (sic) en deux accouchemens (sic) ; sçavoir, dans le premier, quatre filles, dont une seule, venue huit jours après les trois autres, ne put recevoir le baptême ; & dans le second, une fille & un garçon qui vivent encore ; les trois premières filles sont mortes à 24 heures d’intervalle l’une de l’autre. »

Extraordinaire !
Je plains sincèrement cette femme qui mit au monde trois filles  et qui vit les douleurs de l’enfantement se poursuivre pendant huit jours avant la venue d’un quatrième bébé. D’ailleurs je ne comprends pas pourquoi cette quatrième petite fille n’a pu recevoir le baptême.
Les trois premiers poupons sont décédés, mais rien sur la petite quatrième. En voilà une énigme qui ne peut être résolue étant donné que je ne suis pas en possession des actes de baptême et de sépulture.

Son second accouchement fut plus heureux puisque nous apprenons par le journal que les jumeaux, un garçon et une fille, avaient survécu.

L'Estrémadure,  est située dans le sud-ouest de l’Espagne. Elle partage ses frontières avec le Portugal, la Castille-Léon, la Castille-La Manche et l'Andalousie.

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