dimanche 4 octobre 2015

JUSTIN - Chapitre 4




Cette rencontre avec le petit rongeur avait quelque peu perturbé le galopin qui, à peine remis de sa stupeur, recommença à sévir contre son entourage à grand renfort de hurlements, surtout lorsqu’il se trouvait proche du piano.
On ne sait jamais au cas où la-petite-souris-qui-parlait-alors-qu’une-souris-qui-parle-ça-n’existe-pas existait tout compte fait, et se trouvait dans les parages.
Dans cette hypothèse, et pour montrer à cet intrus qu’il n’acceptait pas sa venue, Justin lui envoya à  plusieurs reprises une série grandiose de clusters, frappés  avec toute la force de ses poings sur le clavier.
Maman eut beaucoup de mal à stopper cette tonitruante frénésie.

Pauvre souris !
A-t-elle eu le temps de se protéger les oreilles ?

Puis, les jours qui suivirent virent l’enfant plus calme.  
Il recommença ses promenades nocturnes lorsque Papa et Maman dormaient. Il s’approchait du piano, mais pas trop prés tout de même
et écoutait … mais rien. Aucun bruit. Justin était sûr, à présent, qu’il avait rêvé et cette pensée le soulagea fortement.

« Je savais bien qu’une souris qui parle ça n’existe pas, dit-il tout haut, en s’apprêtant à retourner se remettre au lit.

Il n’avait pas fait trois pas en direction de l’escalier que …
« Bonsoir ! Tu n’es pas encore couché ? Il est tard pour un petit garçon. »

L’enfant fit volte-face. Non, ce n’était pas possible !!
Là, devant ses yeux, la petite-souris-qui-parlait-alors-que-les-petites-souris-qui-parlent-ça-n’existe-pas…..  Justin dut donc se rendre à l’évidence, elle existait bien réellement. Mais là à croire que cet animal venait tout droit d’un Grand Ministère et qu’il était dépêché d’une haute mission, alors là, non !!

- Ne crois-tu pas qu’il est temps que nous fassions la paix.  Ne veux-tu pas me laisser une chance ?

L’enfant haussa les épaules l’air dédaigneux et s’en alla se coucher, laissant le petit rongeur au milieu du salon que seul un faible rayon de lune éclairait.

Plusieurs jours se passèrent encore. Devant l’attitude inqualifiable du jeune garçon, le petit animal était-il parti ?
Justin ne voulait pas l’avouer, mais la curiosité le taraudait. Il n’arrêtait pas de scruter le piano, derrière, dessus, soulevant le couvercle du clavier, le refermant.
Ce manège intrigua Maman qui en parla, le soir même à Papa, dès son retour du bureau.
« Il a peut-être envie de refaire de la musique, » conclut Papa qui, fatigué par sa journée, n’avait pas réellement le désir d’en discuter.

-=-=-=-=-

Une nuit, n’arrivant pas à trouver le sommeil, l’enfant décida d’aller se renseigner. Il descendit sans bruit, alluma la lumière dans le salon et se planta devant le majestueux instrument. Dans un murmure pour ne pas alerter ses parents, il demanda :

 « Hé ! Hé ! Tu es là ? »

Aucune réponse ne lui parvenant,  il reprit :

« Tu es là ? Réponds …. »

Notre Délégué-aux-missions-importantes-voire-impossibles avait bien entendu la première demande, mais il souhaitait se faire désirer, savoir si le contact était enfin établi entre le petit garnement et lui-même.
Trouvant que l’attente avait assez duré et afin d’éviter que le garçonnet ne s’en aille, il daigna sortir de sa retraite.

« Ah, tu es là !! dit l’enfant comme soulagé.
- Que me veux-tu ? demanda d’un ton détaché le petit animal.
- Je voulais te parler, répondit le garnement.
- Ah ! Je t’écoute.
- Eh bien voilà ! Puisque tu es réel, puisque tu es une souris qui parle, je voulais savoir ….
- Quoi ?
- Qu’est-ce que tu es venu faire dans ma maison ?
- Je suis un Haut-Délégué-aux-Affaires-importantes-auprès-des-enfants-difficiles. Ma mission consiste à te faire comprendre que ton comportement n’est pas possible… Tu rends tes parents malheureux, à l’école ..
- Je n’aime pas l’école, coupa l’enfant, je préfère m’amuser. Apprendre ne sert à rien.
- Je crois que tu as tort.
- Qu’en sais-tu ?
- J’en sais ce que je sais ….
- Apprendre, c’est fatigant, rétorqua le gamin, peu satisfait de la tournure que prenait la discussion.
- Apprendre, c’est amusant, rectifia le petit rongeur.
- Tu parles d’un amusement !! contesta Justin.
- Laisse-moi le temps et l’occasion de te le prouver, demanda ce Haut-Dignitaire, mais en attendant va vite te coucher. Bonne nuit !

A noter que c’était bien la première fois que Justin acceptait de se mettre au lit sans protester.


Et ce fut ainsi que de nuit en nuit, mais pas trop tard tout de même, une complicité s’instaura entre ce Haut-Délégué-chargé-de-missions-délicates-après-des-enfants-difficiles peu ordinaire et le petit garnement.

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