Un
seul lieu dans la vieille bâtisse pour ce lourd travail, la bibliothèque, ou,
du moins, ce qu’il en restait.
Childéric
s’y rendit aussitôt. Il passa au travers de la porte avec d’autant plus de
facilité que celle-ci était, un tantinet, vermoulue. Son regard fit le tour de
l’immense pièce. La cheminée sur laquelle trônaient les armoires de la
Seigneurie avait gardé son allure majestueuse. Mais, les murs couverts de
rayonnages et dépourvus des livres vendus aux plus offrant étalaient leur
triste solitude. Une épaisse couche de poussière recouvrait tout et de
nombreuses toiles d’araignées tapissaient les angles des murs et s’enroulaient
autour du lustre suspendu au plafond. Un immense bureau, en piteux état, et une
chaise bancale composaient le seul mobilier de l’endroit. Ils avaient été, sans
doute, abandonnés là dans la hâte du déménagement.
Childéric
s’installa donc, non sans avoir avant, débarrassé le bureau de la couche de
poussière dont il était revêtu. Ce qui le fit éternuer à de nombreuses
reprises.
Childéric
s’installa donc là ! Puis, il se mit à réfléchir, à réfléchir longuement.
Ecrire
ses mémoires, c’était parfait, oui, mais pour cela, il fallait qu’il rassemblât ses idées. Il fallait qu’il
déterminât par où commencer.
Qui
était-il, avant d’être ce fantôme solitaire ?
Depuis
quand, exactement hantait-il ce château ?
Pourquoi
avait-il été condamné à hanter, cette propriété ?
« Ouah ! »
s’écria-t-il en se tenant la tête dans les mains.
Tout
se bousculait dans son esprit, les dates, les lieux, les évènements.
Tout
devenait confus, et cette confusion était telle qu’il finit par ne plus se souvenir
de rien !
Ennuyeux
quand on souhaitait raconter faits et évènements !
Ce
fut alors que Childéric s’enferma dans un cercle infernal.
Il
réfléchissait de longues nuits, une multitude de longues nuits, et plus il
réfléchissait, moins il se souvenait. Moins, il se souvenait, plus il
soupirait, et ses soupirs devenaient de plus en plus longs, de plus en plus
profonds.
Childéric
s’aperçut qu’il était un fantôme amnésique. Comment allait-il pouvoir, ainsi,
rédiger ses mémoires ?
Désœuvré,
il déambulait de pièce en pièce dans l’immense demeure, s’enfonçant dans les
souterrains, explorant les oubliettes, relisant les inscriptions gravées
dans les pierres des murs, ici et là, et que le temps n’avait pas totalement
effacées.
Il
se rendit compte, très vitre, que cette inspection, ces promenades dans son
domaine ne l’amusaient plus comme autrefois ?
Que
faire ?
Il
se lamentait, pleurait parfois à chaudes larmes, en poussant des plaintes
lugubres comme il ne l’avait jamais fait, à aucun moment de son activité de
fantôme. Jamais il n’avait aussi bien modulé les intonations. Mais,
aujourd’hui, il n’avait aucun auditeur pouvant les apprécier à leur juste
valeur artistique.
Son
cœur était lourd de chagrin. Ce n’était vraiment pas une vie de fantôme !
Après
un moment d’abattement, Childéric, malgré tout d’un tempérament dynamique, se
redressa et décida de prendre les choses en main.
Sa
tenue lui semblant négligée, (ne portait-il pas les mêmes vêtements depuis des
lustres ?), il fit un brin de toilette, épousseta sa chemise d’un blanc un
peu douteux, remis de l’ordre dans les plis de son kilt quelque peu élimé.
« J’ai
meilleure allure !» s’exclama-t-il en regardant son reflet dans un vieux
miroir.
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