Archibald
et Childéric étaient, à présent, dans le
hall, assis sur les premières marches de l’escalier, les coudes sur les genoux,
la tête entre les mains, penchés en avant, l’air pensif.
Le
soleil pointait à l’horizon.
C’était
l’aube. C’était l’heure, où d’ordinaire, les fantômes prenaient un peu de
repos, mais ni l’un ni l’autre n’avait envie de se reposer.
Archibald
réfléchissait à son avenir de fantôme.
Où
allait-il aller ?
Qu’allait-il
faire ?
Childéric
se remémorait sa vie passée, se demandant comment garder tous ses souvenirs
précis et confus à la fois ?
Ils
soupiraient à tour de rôle.
Soudain,
Childéric se redressa et regarda son compagnon.
« Que
vas-tu faire à présent ? » lui demanda-t-il.
Archibald
haussa les épaules, indécis.
« Je
ne sais pas. Il faut pourtant que je me fixe avant l’arrivée de
l’hiver ! »
Le
silence retomba, alourdi des pensées de nos deux compères.
Un
rayon de soleil dans lequel dansait de la poussière avait pénétré la pièce.
« Tu
peux rester ici, si tu le souhaites. Le château est assez grand pour deux…. Et
puis, tu as encore tous les souterrains à explorer. »
A
cette proposition, Archibald opina d’un signe de tête, rêveur. L’idée lui
semblait bonne, mais il ne voulait pas déranger. La cohabitation ne serait-elle
pas pénible au fil du temps ?
Il
était vrai que la place ne manquait pas, mais « un petit chez soi ne
valait-il pas mieux un grand chez les autres » ?
Childéric
aurait bien aimé qu’Archibald restât. Il se sentait seul. Mais, le caractère
d’Archibald, explosif, exubérant, rustre, ne finirait-il pas par le
lasser ?
Quant
à Archibald, il aurait bien aimé s’installer, mais les manières aristocratiques
de Childéric, son manque le laisser-aller ne finiraient-ils pas par l’énerver,
un tantinet.
Que
faire ?
Il
y avait sûrement un moyen de s’arranger, car tous deux étaient d’accord sur un
point : lorsque leur solitude deviendrait pesante, ils pourraient toujours
tailler une petite bavette.
Ce
fut ainsi que …….
Une
nuit sans lune. Une nuit comme beaucoup d’autres, Childéric était installé à
écrire dans la grande bibliothèque dont il avait fait son bureau. Sur des
feuilles de papier légèrement jaunies et piquées de moisissure, découvertes
dans une malle au grenier, plume d’oie en main et encrier devant lui, il
s’appliquait à la rédaction de ses souvenirs.
Oui,
ses souvenirs, ceux qu’il avait contés avec volubilité à Archibald lors de la première
visite des lieux.
Childéric
se sentait bien, utile dans sa nouvelle existence d’historien. Jamais plus il ne
s’ennuierait ! Pensez donc des siècles et des siècles d’histoire,
d’anecdotes, de ragots ….. Des pages et des pages !
De
temps en temps, les yeux au plafond, il réfléchissait aux mots justes précisant
les situations, rêvassait le sourire aux lèvres à l’évocation de certaines
scènes, de plus en plus précises à sa mémoire.
Que
sa vie lui semblait belle, maintenant qu’elle avait un but !
Un
cri lugubre montant dans la nuit, comme venant d’outre-tombe, ébranla les murs
de la vieille demeure et sortit notre écrivain de sa rêverie. Le visage de
celui-ci s’illumina d’un franc sourire en entendant ce hurlement, mais il se
replongea rapidement dans son travail.
Lorsque
la lueur matinale filtrait au travers des vitres, Childéric prenait un peu de
repos jusqu’à la nuit suivante.
Mais,
présentement, sa plume courait sur le papier, le couvrant de mots.
Son
récit commençait aux temps des clans des Highlanders dont il était, sans aucun
doute, le descendant errant d’un d’entre eux. Mais lequel ? Assurément, un
brave guerrier sanguinaire qui avait défendu sa patrie contre tous les
envahisseurs et notamment les Anglais.
Ses
écrits parlaient aussi de ses descendants, seigneurs plus récents ayant occupé
les lieux, ayant fait prospérer les terres. Ne voulant rien cacher, il n’omettrait
pas la déchéance, la ruine et la saisie des lieux. Un historien ne se devait-il
pas d’établir les faits sans prendre partie ni masquer la vérité ?
Dans
sa fougue, il se voyait édité, son livre exposé dans les vitrines des
librairies, obtenant, et pourquoi pas, un prix littéraire !
N’était-il
pas le premier fantôme-écrivain ?
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