dimanche 27 décembre 2015

CHILDERIC, LE FANTOME - Chapitre 7



Archibald et Childéric étaient, à présent,  dans le hall, assis sur les premières marches de l’escalier, les coudes sur les genoux, la tête entre les mains, penchés en avant, l’air pensif.
Le soleil pointait à l’horizon.
C’était l’aube. C’était l’heure, où d’ordinaire, les fantômes prenaient un peu de repos, mais ni l’un ni l’autre n’avait envie de se reposer.

Archibald réfléchissait à son avenir de fantôme.
Où allait-il aller ?
Qu’allait-il faire ?

Childéric se remémorait sa vie passée, se demandant comment garder tous ses souvenirs précis et confus à la fois ?

Ils soupiraient à tour de rôle.

Soudain, Childéric se redressa et regarda son compagnon.
« Que vas-tu faire à présent ? » lui demanda-t-il.

Archibald haussa les épaules, indécis.
« Je ne sais pas. Il faut pourtant que je me fixe avant l’arrivée de l’hiver ! »

Le silence retomba, alourdi des pensées de nos deux compères.

Un rayon de soleil dans lequel dansait de la poussière avait pénétré la pièce.

« Tu peux rester ici, si tu le souhaites. Le château est assez grand pour deux…. Et puis, tu as encore tous les souterrains à explorer. »

A cette proposition, Archibald opina d’un signe de tête, rêveur. L’idée lui semblait bonne, mais il ne voulait pas déranger. La cohabitation ne serait-elle pas pénible au fil du temps ?
Il était vrai que la place ne manquait pas, mais « un petit chez soi ne valait-il pas mieux un grand chez les autres » ?
Childéric aurait bien aimé qu’Archibald restât. Il se sentait seul. Mais, le caractère d’Archibald, explosif, exubérant, rustre, ne finirait-il pas par le lasser ?
Quant à Archibald, il aurait bien aimé s’installer, mais les manières aristocratiques de Childéric, son manque le laisser-aller ne finiraient-ils pas par l’énerver, un tantinet.

Que faire ?

Il y avait sûrement un moyen de s’arranger, car tous deux étaient d’accord sur un point : lorsque leur solitude deviendrait pesante, ils pourraient toujours tailler une petite bavette.

Ce fut ainsi que …….

Une nuit sans lune. Une nuit comme beaucoup d’autres, Childéric était installé à écrire dans la grande bibliothèque dont il avait fait son bureau. Sur des feuilles de papier légèrement jaunies et piquées de moisissure, découvertes dans une malle au grenier, plume d’oie en main et encrier devant lui, il s’appliquait à la rédaction de ses souvenirs.
Oui, ses souvenirs, ceux qu’il avait contés avec volubilité à Archibald lors de la première visite des lieux.
Childéric se sentait bien, utile dans sa nouvelle existence d’historien. Jamais plus il ne s’ennuierait ! Pensez donc des siècles et des siècles d’histoire, d’anecdotes, de ragots ….. Des pages et des pages !
De temps en temps, les yeux au plafond, il réfléchissait aux mots justes précisant les situations, rêvassait le sourire aux lèvres à l’évocation de certaines scènes, de plus en plus précises à sa mémoire.
Que sa vie lui semblait belle, maintenant qu’elle avait un but !

Un cri lugubre montant dans la nuit, comme venant d’outre-tombe, ébranla les murs de la vieille demeure et sortit notre écrivain de sa rêverie. Le visage de celui-ci s’illumina d’un franc sourire en entendant ce hurlement, mais il se replongea rapidement dans son travail.
Lorsque la lueur matinale filtrait au travers des vitres, Childéric prenait un peu de repos jusqu’à la nuit suivante.
Mais, présentement, sa plume courait sur le papier, le couvrant de mots.
Son récit commençait aux temps des clans des Highlanders dont il était, sans aucun doute, le descendant errant d’un d’entre eux. Mais lequel ? Assurément, un brave guerrier sanguinaire qui avait défendu sa patrie contre tous les envahisseurs et notamment les Anglais.
Ses écrits parlaient aussi de ses descendants, seigneurs plus récents ayant occupé les lieux, ayant fait prospérer les terres. Ne voulant rien cacher, il n’omettrait pas la déchéance, la ruine et la saisie des lieux. Un historien ne se devait-il pas d’établir les faits sans prendre partie ni masquer la vérité ?

Dans sa fougue, il se voyait édité, son livre exposé dans les vitrines des librairies, obtenant, et pourquoi pas, un prix littéraire !

N’était-il pas le premier fantôme-écrivain ?


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