Il
y a des moments comme ça, allez savoir pourquoi, vous prend une grande envie de
vous « lâcher ». Ce fut le cas, assurément !
J’espère,
simplement, que vous prendrez autant de plaisir à lire l’aventure qui
suit, que j’en ai eu à l’écrire.
PS :
rassure-vous, avant cet « exploit épistolaire », je ne m’étais
nullement exposée exagérément au soleil.
Aventure alphabétique abracadabrantesque
En
avant pour l’aventure, mais pas n’importe laquelle !
Vous
me suivez ?
Alors
pas de problème, mais accrochez-vous bien !
A
Armand
était un aimable apprenti-antiquaire. Il travaillait avec acharnement, tous les
après-midi, dans l’arrière-boutique à afficher les prix des articles. Armand
était très apprécié de son patron, Antoine, et une amitié s’était ancrée entre
eux deux depuis des années.
Chaque
jour Armand venait travailler à dos d’âne, un animal qu’il avait acquis depuis
fort longtemps. De plus en plus fréquemment, Armand arrivait en retard.
Pourquoi,
me direz-vous ?
Tout
simplement, parce que l’âne, fort âgé,
perclus d’arthrose, avançait assurément lentement, trop lentement, de plus en
plus lentement.
Armand
était agacé autant par ses retards qui allait freiner son avancement
professionnel que par le souci de l’affection de l’animal.
Que
faire, ajouterez-vous ?
Armand
aurait pu se séparer de son âne, mais il avançait que cet aboutissement n’était
pas acceptable en raison de l’attachement qu’il lui portrait. Et puis
qu’adviendra-t-il de lui ?
Armand
admit qu’il devait arrêter ses allées et venues qu’il appréciait tant pour
accorder à l’animal quelque repos dans un abri aménagé douillettement.
B
Bon !
Nous voilà à un tournant de l’histoire !
Dans
la tête de notre bonhomme Armand se bousculaient les réflexions. Il avait besoin d’un nouveau moyen de
locomotion, pour remplacer son bourricot.
N’avait-il
pas besoin de son boulot pour s’acquitter du bail de sa bicoque ?
Oui,
car il habitait dans une baraque bancale au milieu d’un bois broussailleux où
il n’y avait pas beaucoup de bruits. Juste le bruissement du vent dans les
branches des arbres et le bourdonnement des insectes.
Il
pensa à acheter une bagnole. Idée bizarre, car il n’avait pas son permis.
Il
apprit que Benoit le boulanger bedonnant
à la barbe brune vendait la sienne pour presque rien. En se baladant après la
fermeture de la brocante, il se rendit à la boulangerie. Mais celle-ci avait
déjà baissé ses volets. Il sonna à la barrière de la cour et vit débouler un
bouledogue baveux, bouche béante, bousculant tout sur son passage, prêt à
broyer de ses dents les badauds dérangeant sa digestion, d’autant plus que
depuis un bout de temps, il se sentait barbouillé.
La
bourgeoise du boulanger, une belle blonde aux cheveux bouclés, berçant dans ses
bras un bébé à la bouille boutonneuse vint à la barrière. Dans le jardin, un
autre bambin assis sur une balançoire se balançait en boudant un bout de bois
dans la bouche, puis un autre, sur un cheval-à-bascule buvait bruyamment un bol
de Blédine au boudoir. Deux autres, baraqués et vêtus de blouson bordeaux, se
renvoyaient un ballon de basket en
braillant. Quel boucan !
La
boulangère bafouillait et baragouinait. Armand comprit en tout cela qu’il
fallait qu’il se rende chez Cyprien, le charcutier.
C
Avant
de quitter la charmante compagne du commerçant, Armand jeta un dernier coup
d’œil au cabot qui avait les canines cariées.
Cyprien,
à ce qu’Armand avait compris, conservait un cabriolet couleur cerise qu’on lui
avait conseillé de mettre à la casse-auto. Pensez-donc, cent-cinquante chevaux
sous le capot, ça coûte !
Cyprien
confirma que son cabriolet avait pris le chemin de la casse depuis une centaine
de jours. « Quel crève-cœur ! » clama-t-il. Il conta que cet achat
avait été un curieux caprice de jeunesse, pour se consoler d’avoir été congédié
par son chef, suite à un conflit sur la manière de confectionner le
boudin. En voyant le nouveau carrosse de
son ex-commis ce charcutier en chef ne
comprit pas comment au chômage, on pouvait concevoir un pareil achat.
« Que
de conquêtes, grâce à elle ! » conclut Cyprien.
Si
Armand voulait comparer la carriole à certaines autres, il pouvait courir à la
casse-auto de Daniel, mais cabossée, carrosserie rayée, celle-ci avait aussi
les pneus crevés. Pas une riche affaire !
Cyprien
rentra calmement dans sa charcuterie pour servir sa clientèle, coupant des
côtelettes, pesant de la choucroute,
tranchant le cervelas et le chorizo. Un commerce de cochonnailles très fleurissant.
Armand
continua de cogiter sur comment cerner
le problème.
Un
diésel serait un bon compromis, mais qui consulter pour avoir un avis éclairé.
Le
ciel se couvrait de cumulonimbus. Il commençait à crachiner. Au carrefour, Armand
releva son col sur son cou. Un courant d’air ébouriffa ses cheveux châtains.
Son crâne cuisait copieusement à force de chercher une conclusion convenable à
son souci. La céphalée le guettait.
D
Contrarié,
décontenancé, il décida de regagner son
domicile.
Parvenu
devant sa demeure, Armand déprimait. Devant le déferlement démentiel de sa
déprime dû à ses doutes face à son devenir, Armand décida d’aller dormir sans
délais. Il se pelotonna dans son douillet duvet à damiers acheté dernièrement
au drugstore.
Devant
son petit-déjeuner, le lendemain, Armand prit une décision. Il devait
déménager. Un petit deux-pièces derrière la brocante serait son désir.
Lorsqu’il
débaucha à douze heures, il alla déranger la demoiselle Domitille du domaine de la Dune. Noble demoiselle
Domitille, dernière descendante d’un duc danois qui avait débarqué à Dieppe un
début décembre, dirigeait un domaine d’élevage de dindons, aidée de domestiques
dociles et dévoués. D’une extrême dignité, mais pas dédaigneuse, elle débordait
de déférences. Armand était donc plein d’espoirs.
Un
domestique, dodelinant de la tête, introduit Armand dans un salon aux décors
doré. La dame le reçut avec diligence dans un déshabillé de dentelle au large
décolleté. Elle dégustée des dragées. Divinement belle, Armand la dévorait des
yeux.
La
discussion, difficile, dura longtemps, mais Armand était déterminé. Le domaine
de la dame possédait des dépendances. L’âne aurait pu y trouvait refuge. Armand
donnerait quelques deniers en dédommagement du dérangement.
E
Evidemment,
Armand avait expliquait les derniers évènements. Les trajets effectuaient à
pied pour éviter de fatiguer l’équidé épuisé. L’emploi qu’il ne pouvait
quitter. Etc…. etc…. Quelles épreuves ! A l’énumération des ennuis de
l’employé de la brocante, éléments éprouvants, la dame, émue, accepta
d’héberger l’âne sans exiger d’émolument. Elle entretenait une étable entourée
d’un enclos, l’endroit était tout désignait. C’était l’essentiel !
Il
évita d’ennuyer plus longuement. Dans son empressement, il s’emmêla les pieds
et s’étala, entrainant une écritoire dont l’encre de l’encrier s’écoula sur une
estampe exposée non loin. Quel emprunté !
Devant
les étiquettes entassées sur son établi dans l’échoppe de son employeur, Armand
évoquait, encore et encore, avec émoi son entretien. Ne s’était-il pas, sans
espoir, épris de cette élégante éleveuse ?
Par
économie, Armand emménagea dans un logement ensoleillé au second étage d’un
ensemble urbain près des écoles élémentaires, auquel il accédait par un étroit
escalier. De cet endroit, il entendait les enfants s’ébattre, sans
retenue, en poussant des hurlements effroyables.
Envolé, l’enchantement paisible de la forêt !
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