J
Injustement
injurié, l’homme jaugea avec justesse le joug de son incapacité et le jugement
hâtif à son égard. Jamais il n’ aurait
dû emprunter l’identité de son jumeau, jovial joaillier joufflu, seul capable
de jongler avec une imagination dont il était jaloux. Il sortit dans le jardin
un peu en jachère, car des jonquilles jaunes jonchaient le sol. Un
jaillissement de larmes inonda ses joues. Il perçut les jappements d’un Jack
Russel terrier juché sur un banc près d’un journalier japonais en jaquette en jersey jacquard et chemise à jabot jaunâtre
qui jacassait avec une jolie jouvencelle parfumée de jasmin au sujet d’un
jockey qui avait joué son joker et gagné le gros lot. C’était dans le journal
du jeudi 5 juin dernier. Le Japonais jeta un juron admiratif.
Juillet,
déjà ! Mois jalonné des joies estivales avec ses joutes joyeuses.
La
mère d’Armand, en jupe-culotte, au volant de sa jeep transportait des jerricans
d’eau qu’elle devait apporter à un Jurassien qui la guettait avec des jumelles,
pour sa jument assoiffée.
Quant
au fantôme, il garda la jouissance des lieux, poursuivant joyeusement sa quête
de justicier.
K
Enfant,
Armand pratiquait le judo. Il possédait un kimono kaki. Un jour de kermesse,
effectuant une démonstration près du kiosque à musique, sautant tel un
kangourou, il chuta. Le kinésithérapeute, appelé, constata une kyrielle de
contusions et conseilla qu’il mangea des kiwis macérés dans du kirsch. Etrange
ce kiné, car il portait en toute saison un képi et un kilt. Il disait préférer
le karaté et le kung-fu au judo. Et le dimanche, tenez-vous bien, il effectuait
des kilomètres avec son kart, klaxonnant à chaque carrefour. Son métier, d’ailleurs, ne lui rapportait pas un
kopeck, bien moins que ses karaokés hebdomadaires.
L
Armand,
devant une limonade, larmoya longtemps lamentablement sur son enfance, dans son
nouveau logis, loué dans ce lotissement.
Pourquoi
se lamenter ? Il fallait être lucide !
Le
lendemain, en passant devant le lycée, il remarqua la libraire lambinant un
livre à la main, livre qu’un librettiste un peu libertin et lourdaud et portant
lorgnon, lui avait laissé. Mais l’ouvrage, sans réel leit motiv, ne méritait
pas de louanges. L’intrigue se déroulait dans des lieux louches et lugubres. Il
était question d’un Lilliputien, grande pointure du crime, laquais dans le
manoir de lady Lylyan à Liverpool, qui liquidait les invités pour les
dépouiller, après les avoir ligotés à l’aide de lanières. Et tout cela, à la
lueur d’une lanterne !
Quel
lecteur accepterait de lire de pareilles balivernes ?
Armand,
lui, lisait des recueils de légendes, celles où loups-garous et licornes
parlent le même langage et luttent contre les hors-la-loi. Plus logique,
non ?
Un
lierre courait sur le mur de la laverie dans laquelle Armand laissa son linge à
laver. Liquettes en lin, lainages et lingerie seront lavés et repassés pour le
lundi suivant par une laveuse livide, service dont il s’acquitterait en
liquide.
Ses
achats achevés, Armand retourna dans son logement.
Dehors,
la lune s’était levée et sa luminosité s’ajoutait à celles des lampadaires.
Assis
sur son lit aux draps lilas, éclairé par une lampe de chevet, Armand essaya de
comprendre la logique, peu limpide, de son logiciel de littérature. Ayant loupé
sa licence, il souhaitait reprendre ses études. L’odeur de son repas, un
soufflet de livarot aux lardons, lui arriva aux narines. Il se leva lentement,
il reprendrait sa leçon, sans lésiner, après avoir mangé.
M
Dehors,
en ce mercredi matin, le mauvais temps menaçait, rendant tout le monde morose.
Un
moteur de mobylette mobilisa un moment l’attention d’Armand.
Des
clients dans le magasin marchaient en martelant le sol recouvert de moquette
marron, manière de montrer leur présence.
Madame
la Marquise, survivante de la haute noblesse, un peu maigrichonne, était venue
marchander le montant d’une mandarine mauve datant du XIXème siècle
qui ferait le meilleur effet avec le mobilier de sa maison.
Monsieur
le marquis, son mari, moustachu, maugréait méchamment. Il savait son épouse maladroite et redoutait une
malencontreuse maladresse. Quel malheur ! Dans le cas d’une malheureuse
casse, il devrait monnayer la marchandise. Il maudit d’autant plus la
dépensière quand il la vit s’immobiliser devant une madone provenant de Madrid
qu’elle avait déniché dans une malle, devinant le montant de celle-ci bien
qu’il ne fut pas mentionné.
Ce
monsieur était mortifié à l’idée de ces dépenses, d’autant plus qu’il avait
menti. La vie mondaine avait fait fondre le magot du ménage. Il n’avait plus
les moyens. La misère guettait !
Il
ménageait la marquise par crainte de la mécontenter. En effet, celle-ci pouvait
se métamorphoser en une monstrueuse mégère, provoquant un réel mascaret.
Devant
un miroir, la marquise rectifia sa mise. Elle était magnifique dans son manteau
mimosa.
Pauvre
marquis !
Se
retrouvera-t-il menotté par la maréchaussée ?
Quelle
mésaventure !
Malade,
en raison d’un mauvais microbe, Armand alla consulter le médecin qui lui
prescrit des médicaments qu’il alla acheta aussitôt.
Sur
le chemin, il décida, sans motif, d’aller rendre visite à sa marraine,
Marceline, manucure de son état.
Le
mari de Marceline était marin pêcheur. Il partait en mer de long mois pour
pêcher essentiellement des morues, des merlans, des maquereaux dont il faisait
commerce.
Elle
élevait donc seule une myriade de marmots à qui elle faisait apprendre, bon an
mal an, la musique.
Passant
devant le musée, il vit sur les marches devant la porte quelques mioches
mangeant des myrtilles et des madeleines posées sur un mouchoir. Des moineaux
picoraient les miettes.
Un
militaire militant en mission parlait avec une midinette bien mise à la mode
qui faisait des mimiques en minaudant.
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