R
Le
voyage fut de qualité. Le train dans lequel il avait réservé sa place n’eut pas
de retard. Raisonnablement, il n’y avait rien à dire.
Rassuré,
car bien arrivé, Armand rencontra la propriétaire des lieux. Cette ravissante
dame, richement parée de bijoux, toute
en rondeur, avait un visage rond aux joues rebondies, un regard clair.
La
résidence à la bonne réputation,
illuminée par un soleil radieux, semblait remarquable en tout point.
Un
restaurant, au rez-de-chaussée, rondement mené par un chef rougeaud, ronchon et
au crâne rasé, proposait différents mets raffinés. Armand résolut d’y prendre
tous ses repas. C’était dans cet endroit qu’il rencontrait les autres
résidents.
Parmi
eux :
Une
rombière riche et ridée, rapportant avec ravissement tous les ragots d’une voix
rauque, en ravaudant ses chaussettes. Réellement risible !
Un
rebouteux rabougri, râlant et radotant, rabrouant par ses rictus repoussants.
Un raseur rabat-joie ! Mais la rumeur ne disait-elle pas qu’il avait
été ruiné en raison de ses remèdes non-réglementaires.
Un
rêveur raffiné et romantique, en recherche d’inspiration, voulant réaliser un roman
romanesque, souhaitant ainsi recevoir la récompense littéraire qui lui avait
été refusée dernièrement car remise à son rival, un rustre rembruni.
Rageant !
Une
respectable religieuse resplendissante de religiosité, venue se recueillir et
réfléchir dans une retraite spirituelle.
Un
réparateur de réfrigérateur, aux cheveux roux, ruisselant de fièvre, prenant du
repos afin de se retaper après un gros rhume qu’il soignait avec du rhum, afin
de ne pas rechuter.
Armand
effectuait régulièrement des randonnées, respirant le grand air, écoutant le
ramage des oiseaux, se rafraîchissant en trempant ses pieds dans les ruisseaux.
Peu à peu, il se requinquait.
Le
temps était très souvent radieux, malgré quelques rafales de vent.
A
son retour, il en aurait à raconter !
Juste
avant qu’il ne reparte, la propriétaire Polonaise revêtue de rouge, donna une
réception où chacun chanta le refrain d’une romance. On dansa aussi, la rumba,
le rock et l’on fit des rondes.
Armand
remercia et promit de revenir.
S
Satisfait,
Armand se souviendra longtemps de ce séjour réconfortant qui l’avait revigoré,
en le soustrayant un temps de la réalité de la routine.
De
retour, Armand rangea son sac de voyage contenant ses sandales qui avaient
encore saveur de vacances, pour retrouver ses sévères souliers. Demain, il lui
faudrait reprendre sérieusement le sentier de la servilité professionnelle.
Finies, les siestes sous les saules protégeant du soleil. Il endossa à nouveau
son sort d’étiqueteur tout en songeant, avec soulagement, à soumettre sa
candidature spontanée à diverses sociétés, en stipulant son souhait d’un emploi
stable, en rapport avec son nouveau statut de diplômé. Ce diplôme obtenu avec
succès.
Son
supérieur fut surpris d’apprendre que son subalterne dont il était fort
satisfait, envisageait de le quitter.
Il
supposa qu’une surcharge de travail en était la cause, à moins que ce ne soit
en raison du salaire, sous-évalué.
Aussi,
spontanément, ne voulant pas se séparer de son salarié, il proposa à Armand, avec
sollicitude, un stage de spécialisation spécifique aux antiquaires, afin qu’il
puisse le seconder solidement dans son commerce dont il prendrait peu à peu la succession.
Renversement de situation très satisfaisante !
Et
pour montrer sa sincérité, il signa aussitôt, sans sourciller, un document,
scrupuleusement rédigé, sur lequel Armand apposa sa signature.
Voilà
en vue, une situation stable, un salaire suffisant. Sincèrement, il était très
soulagé.
Armand,
stupéfait, en aurait sangloté de joie.
Il
rentra seul chez lui. Dans un sentier, il croisa un soldat très soigné sabre à la ceinture, un
saltimbanque squelettique qui psalmodiait un sonnet, assis sur une souche.
Une
sonnerie stridente le surprit. Il sursauta de stupeur. Aussitôt après, un
tracteur sortit en trombe l’obligeant à sauter de côté. Quel scandale !
Heureusement, il était sain et sauf.
Le
soir, dans son salon silencieux, Armand se cuisina une soupe sans sel, des
sardines à la sauce tomate et un super sorbet au citron.
Il
sommeilla ensuite, allongé sur son sofa. Le songe qu’il fit était hanté de
sordides sorcières sautillant sans cesse dans un souterrain, autour d’un spectre solitaire au bord de la
syncope.
Quel
spectacle singulier !
Traumatisé
par ce rêve, il s’éveilla en sueur et ne put se rendormir.
T
Le
principal travail d’Armand consistait à trouver des objets hors du commun, tout
en déjouant les terrifiants traquenards de truands ayant tendance à tricher sur
la provenance et la valeur des objets.
Devant
sa table, Armand tortillait un trombone, tout en examinant tranquillement une
toquante venant de Toscane et au tic-tac détraqué, un tableau au dessin
tarabiscoté représentant un toréador terriblement terrorisé, des torchons
couleur turquoise tissés trois siècles auparavant, un tricot à torsades tricoté
main, une tabatière ayant appartenu à une Tonkinoise.
Il
fallait dater tous ces objets et en déterminer la valeur. Un vrai casse-tête.
Quel tracas !
Armand,
terrifié par l’ampleur de la tâche, tremblait en prenant le premier volume d’une
revue technique qui en comptait trois. Penché en avant, il tournait les pages.
Armand
entendit toussoter. Un touriste, dans la trentaine, la tronche tuméfiée, se
trouvait devant lui.
Se
levant sans tarder, il le fit asseoir sur un tabouret.
L’homme
qui arrivait de Turquie, lui apprit que pendant la traversée, une tempête
s’était levée et qu’il était tombé à terre. Un torticolis le taraudait
également. Quelle tristesse !
Il
lui tendit un sac dans lequel Armand trouva un tromblon et une trompette ternis
par les ans qui ne le tentèrent pas. Toutefois, il accepta de les garder en
dépôt-vente.
En
sortant de la boutique, Armand aperçu un terrassier qui titubait. Sans doute
avait-il trop trinqué avec la tenancière de la taverne. Trop, c’est trop !
La
température était agréable. La faim le tenaillait aussi, Armand s’assit à la
terrasse de la taverne et commanda un
thé et une tartelette. Malgré ce petit en-cas, il se sentit triste. Depuis
quelque temps, il avait tendance à ne penser qu’à la demoiselle Domitille, en se
demandant comment provoquer un tête-à-tête. Tourmenté et un tantinet troublé
par le souvenir qu’elle lui avait laissé, il était transi par le trac.
Chez
le fleuriste, en un tournemain, Armand traça quelques termes dont il soigna la
tournure et qu’il trouva dignes du plus illustre tragédien, sur une carte qu’il
glissa dans un bouquet de tulipes.
L’attente
qui suivit fut une terrible torture.
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