dimanche 7 février 2016

Aventure alphabétique abracadabrantesque - de R à T



R

Le voyage fut de qualité. Le train dans lequel il avait réservé sa place n’eut pas de retard. Raisonnablement, il n’y avait rien à dire.
Rassuré, car bien arrivé, Armand rencontra la propriétaire des lieux. Cette ravissante dame, richement parée de bijoux,  toute en rondeur, avait un visage rond aux joues rebondies, un regard clair.
La résidence à la bonne réputation,  illuminée par un soleil radieux, semblait remarquable en tout point.
Un restaurant, au rez-de-chaussée, rondement mené par un chef rougeaud, ronchon et au crâne rasé, proposait différents mets raffinés. Armand résolut d’y prendre tous ses repas. C’était dans cet endroit qu’il rencontrait les autres résidents.
Parmi eux :
Une rombière riche et ridée, rapportant avec ravissement tous les ragots d’une voix rauque, en ravaudant ses chaussettes. Réellement risible !
Un rebouteux rabougri, râlant et radotant, rabrouant par ses rictus repoussants. Un raseur rabat-joie ! Mais la rumeur ne disait-elle pas qu’il avait été ruiné en raison de ses remèdes non-réglementaires.
Un rêveur raffiné et romantique, en recherche d’inspiration, voulant réaliser un roman romanesque, souhaitant ainsi recevoir la récompense littéraire qui lui avait été refusée dernièrement car remise à son rival, un rustre rembruni. Rageant !
Une respectable religieuse resplendissante de religiosité, venue se recueillir et réfléchir  dans une retraite spirituelle.
Un réparateur de réfrigérateur, aux cheveux roux, ruisselant de fièvre, prenant du repos afin de se retaper après un gros rhume qu’il soignait avec du rhum, afin de ne pas rechuter.

Armand effectuait régulièrement des randonnées, respirant le grand air, écoutant le ramage des oiseaux, se rafraîchissant en trempant ses pieds dans les ruisseaux. Peu à peu, il se requinquait.

Le temps était très souvent radieux, malgré quelques rafales de vent.

A son retour, il en aurait à raconter !

Juste avant qu’il ne reparte, la propriétaire Polonaise revêtue de rouge, donna une réception où chacun chanta le refrain d’une romance. On dansa aussi, la rumba, le rock et l’on fit des rondes.
Armand remercia et promit de revenir.


S

Satisfait, Armand se souviendra longtemps de ce séjour réconfortant qui l’avait revigoré, en le soustrayant un temps de la réalité de la routine.

De retour, Armand rangea son sac de voyage contenant ses sandales qui avaient encore saveur de vacances, pour retrouver ses sévères souliers. Demain, il lui faudrait reprendre sérieusement le sentier de la servilité professionnelle. Finies, les siestes sous les saules protégeant du soleil. Il endossa à nouveau son sort d’étiqueteur tout en songeant, avec soulagement, à soumettre sa candidature spontanée à diverses sociétés, en stipulant son souhait d’un emploi stable, en rapport avec son nouveau statut de diplômé. Ce diplôme obtenu avec succès.

Son supérieur fut surpris d’apprendre que son subalterne dont il était fort satisfait, envisageait de le quitter.
Il supposa qu’une surcharge de travail en était la cause, à moins que ce ne soit en raison du salaire, sous-évalué.
Aussi, spontanément, ne voulant pas se séparer de son salarié, il proposa à Armand, avec sollicitude, un stage de spécialisation spécifique aux antiquaires, afin qu’il puisse le seconder solidement dans son commerce dont il prendrait peu à peu la succession. Renversement de situation très satisfaisante !
Et pour montrer sa sincérité, il signa aussitôt, sans sourciller, un document, scrupuleusement rédigé, sur lequel Armand apposa sa signature.
Voilà en vue, une situation stable, un salaire suffisant. Sincèrement, il était très soulagé.

Armand, stupéfait, en aurait sangloté de joie.
Il rentra seul chez lui. Dans un sentier, il croisa  un soldat très soigné sabre à la ceinture, un saltimbanque squelettique qui psalmodiait un sonnet, assis sur une souche.

Une sonnerie stridente le surprit. Il sursauta de stupeur. Aussitôt après, un tracteur sortit en trombe l’obligeant à sauter de côté. Quel scandale ! Heureusement, il était sain et sauf.

Le soir, dans son salon silencieux, Armand se cuisina une soupe sans sel, des sardines à la sauce tomate et un super sorbet au citron.
Il sommeilla ensuite, allongé sur son sofa. Le songe qu’il fit était hanté de sordides sorcières sautillant sans cesse dans un souterrain,  autour d’un spectre solitaire au bord de la syncope.
Quel spectacle singulier !

Traumatisé par ce rêve, il s’éveilla en sueur et ne put se rendormir.


T

Le principal travail d’Armand consistait à trouver des objets hors du commun, tout en déjouant les terrifiants traquenards de truands ayant tendance à tricher sur la provenance et la valeur des objets.
Devant sa table, Armand tortillait un trombone, tout en examinant tranquillement une toquante venant de Toscane et au tic-tac détraqué, un tableau au dessin tarabiscoté représentant un toréador terriblement terrorisé, des torchons couleur turquoise tissés trois siècles auparavant, un tricot à torsades tricoté main, une tabatière ayant appartenu à une Tonkinoise.
Il fallait dater tous ces objets et en déterminer la valeur. Un vrai casse-tête. Quel tracas !
Armand, terrifié par l’ampleur de la tâche, tremblait en prenant le premier volume d’une revue technique qui en comptait trois. Penché en avant, il tournait les pages.

Armand entendit toussoter. Un touriste, dans la trentaine, la tronche tuméfiée, se trouvait devant lui.
Se levant sans tarder, il le fit asseoir sur un tabouret.
L’homme qui arrivait de Turquie, lui apprit que pendant la traversée, une tempête s’était levée et qu’il était tombé à terre. Un torticolis le taraudait également. Quelle tristesse !
Il lui tendit un sac dans lequel Armand trouva un tromblon et une trompette ternis par les ans qui ne le tentèrent pas. Toutefois, il accepta de les garder en dépôt-vente.
En sortant de la boutique, Armand aperçu un terrassier qui titubait. Sans doute avait-il trop trinqué avec la tenancière de la taverne. Trop, c’est trop !

La température était agréable. La faim le tenaillait aussi, Armand s’assit à la terrasse de la taverne  et commanda un thé et une tartelette. Malgré ce petit en-cas, il se sentit triste. Depuis quelque temps, il avait tendance à ne penser qu’à la demoiselle Domitille, en se demandant comment provoquer un tête-à-tête. Tourmenté et un tantinet troublé par le souvenir qu’elle lui avait laissé, il était transi par le trac.
Chez le fleuriste, en un tournemain, Armand traça quelques termes dont il soigna la tournure et qu’il trouva dignes du plus illustre tragédien, sur une carte qu’il glissa dans un bouquet de tulipes.
L’attente qui suivit fut une terrible torture.

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