Un
matin, alors qu’ils avaient cessé toutes les recherches et qu’ils s’apprêtaient
à fabriquer d’autres instruments, ils entendirent des sons provenant de l’autre
côté de la rive. Des sons aigus, des dissonances plutôt…..
Il
faut vous dire que de l’autre côté de la rive vivait un autre peuple venu
s’installer là depuis de nombreux millénaires.
Semblables
physiquement aux Kihontous, ils n’avaient pas leur joie de vivre, loin de là.
Pourquoi ?
Tout
simplement parce que sur l’autre berge du fleuve, le climat n’était pas
identique. En effet, mais pour une raison inconnue de tous, sur cette berge-là,
la pluie tombait, tombait, tombait chaque jour, chaque nuit et ainsi de suite,
ce qui fait que ce peuple fut appelé les Toumouhiyés, et ces Toumouhiyiés
étaient si déprimés qu’ils n’avaient jamais eu l’idée de chercher un autre
endroit où vivre.
Donc,
les Kihontous essayèrent d’analyser au mieux les sons qu’ils discernaient dans
le lointain.
-
Ne serait-ce pas nos instruments ? interrogea un Kihontou.
-
Ce pourrait bien être cela, affirma un second.
-
Mais jamais ils n’ont sonné de la sorte, lança un troisième, vous faites erreur.
Après
conciliabules, il fut décidé d’aller sur l’autre berge pour en avoir le cœur
net.
Oui,
mai comment traverser le grand fleuve ? Les Kihontous n’avaient jamais
franchi cette étendue d’eau. D’ailleurs pour quoi faire, car de l’autre côté ?……
Les
Toumouhiyés, eux, avaient essayé une ou deux fois. Ne craignant pas d’être
mouillés, car l’étant à longueur de temps, ils s’étaient « jetés à
l’eau »…..
Les
Kihontous cherchèrent et trouvèrent un moyen assez rapidement. A califourchon sur un tronc
d’arbre, trois Kihontous, les plus hardis n’ayant pas peur de l’eau, se
lancèrent dans l’aventure. Heureusement, le courant n’était pas rapide et ils
arrivèrent sur l’autre berge, sans trop
de problème.
Ce
qu’ils virent en accostant était des plus déprimants. Le ciel, d’un gris horriblement
sombre, déversait des trombes d’eau sur un sol détrempé à un point tel que l’on
enfonçait jusqu’aux chevilles dans une boue noirâtre. Des huttes, ruisselantes,
avaient été construites dans les arbres. Une forte odeur de pourri flottait
dans l’air et les quelques végétaux plantés, ici et là, ne devaient pas donner
beaucoup de nourriture.
D’une
des huttes sortaient des sons horribles. Avec difficultés, à cause du sol
boueux, les trois Kihontous se dirigèrent vers le tintamarre. Escaladant avec
difficultés la plateforme de la hutte, ils y entrèrent au plus vite car ils étaient
trempés. Cette sensation, étrangère car nouvelle pour eux, leur était très désagréable
et ils grelottaient. Ils réalisèrent, alors, les bienfaits du soleil.
Au fond de la
hutte se trouvaient quelques Toumouhiyés, à la bien triste mine. Ceux-ci furent bien surpris de
l’irruption de leurs proches voisins dans leur case.
Ils
s’arrêtèrent de jouer, ne sachant que faire, ne sachant que dire, pris en
flagrant délit.
Les
Kihontous, devant leur physionomie peu engageante et leur attitude de chien battu (pour ne pas dire de chien
mouillé !), eurent un mouvement de recul. Pour compléter la scène,
l’endroit était plus que lugubre.
Les
trois Kihontous comprirent, devant la désolation des lieux et la tristesse des
Toumouhiyés, pourquoi les instruments sonnaient si faux, car même un débutant
aurait fait mieux, à condition bien sûr d’être sous le soleil…..
Un
silence s’installa, pesant, entre les deux peuples. On ne percevait que le
plic-ploc monotone et continuel des gouttes d’eau sur le toit de chaume, et le
ruissellement de la pluie sur le sol. Quelle situation consternante !
- Nous sommes désolés, dit timidement un
Toumouhiyé….
- Il y a de quoi, lança mécontent un des
trois Kihontous, en pensant surtout aux fausses notes.
- C’était notre seul recours, tenta de se justifier un autre Toumouhiyé.
- Votre dernier recours ? interrogea le
second Kihoutou, se rendant compte de sa colère et regrettant celle-ci, face au
désœuvrement de ses voisins.
- Vous comprenez, lança un troisième Toumouhiyé,
ce n’est plus possible, et de son bras tendu, il dessina un demi-cercle devant
lui, désignant ainsi les alentours.
- Je comprends, reprit le second Kihontou,
mais ce n’était pas une raison pour voler nos instruments de musique.
- Ce n’est pas un vol, poursuivit le premier
Toumouhiyé.
- Alors, vous appelez cela comment ?
s’enquit le troisième Kihontou.
- Un emprunt…. Nous vous aurions restitué les
instruments, nous voulions faire un essai. Et la phrase resta en suspens.
- Vous avez encore des progrès à faire, lança
le troisième Kihontou d’une voix ironique.
- Il est vrai que nous n’avons pas votre
talent, mais nous ne cherchons pas à devenir des virtuoses.
A
cette dernière phrase, les trois Kihontous se regardèrent interrogateurs.
Alors, si ce n’est pour apprendre et progresser pourquoi voler des instruments
de musique. Surtout, que ce peuple avait l’air pacifique.
- Alors pourquoi ? lancèrent-ils
ensemble.
Et
c’était bien là la question. Pourquoi ?
La
réponse vint aussitôt, et je vais vous la conter immédiatement.
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