mercredi 15 mars 2017

L'AFFAIRE DE BERNY-RIVIERE - Troisième partie

Le jeune Charles Emile avait un ami de jeux du nom de Legrand. Un jour, Charles Emile, le cœur lourd, assurément, avait dit :
« J’ai un secret bien difficile à garder..... »
Un secret voilà qui était intéressant ! Que pouvait être ce secret ?
Mais Charles Emile hésita à révéler ce qu’il avait sur le cœur. Le jeune Legrand insista, trépignant d’impatience. Son ami en avait trop dit ou pas assez. Alors !
« Il s’agit de la vieille... la grand-mère....... Elle était maltraitée chez nous..... Même moi, je la rabrouais souvent.... pourtant, elle m’aimait bien.... elle me donnait des sous, ceux qu’on lui donnait quand elle allait mendier...... le père ne l’a jamais su, autrement ça aurait bardé....... »

Il s’arrêta, plongé dans ses pensées. Des larmes perlaient à ses paupières.
« Si je te dis, tu le garderas pour toi ? »

L’autre promit, évidemment, l’envie de savoir l’aurait même fait marcher sur des braises brûlantes.
« C’est le père et le frère qui ont tué la grand-mère. Ils l’ont battue et étranglée.... »
Ouah ! Quelle révélation !
Une révélation que l’ami Legrand se dépêcha d’aller colporter.

Tout alla très vite à partir de cela, malgré les dénégations de Charles Emile.
Son ami avait tout inventé, jamais il n’avait dit chose pareille.

Début Juin 1869, Alexandre Louis Duchemin et son fils Louis Joseph dit Victor furent arrêtés et conduis à la prison de Laon. Ils comparurent devant leurs juges en à la Cour d’Assises de Laon, le 11 juin 1869. Le lendemain 12 juin 1869, la Cour rendit son verdict.
-          Alexandre Louis Duchemin fut condamné aux travaux forcés à perpétuité.
-          Louis Joseph dit Victor Duchemin écopa de quinze années de travaux forcés, ayant obtenus les circonstances atténuantes, car étant sous l’influence de son père.

Mais ne croyez pas, braves gens, que l’histoire s’arrêta là. Non ! Car dans ce cas, on aurait pu classer ce meurtre dans  les dossiers des « affaires banales ».

Alexandre Louis Duchemin mis sous clefs, les langues se délièrent car plus personne ne craignait ses représailles.
Et l’on parla du tour de taille de Marie Rose Eugénie qui avait tendance à s’épaissir régulièrement et qui retrouvait la ligne d’un jour à l’autre.
Le mot « grossesse » était sur toutes les lèvres, mais aussi cette question :
« Mais où sont passés les bébés ? »

D’autant plus que tous connaissaient la conduite débauchée de la jeune fille qui fréquentait un certain Leblanc, un gars de la commune et qui était marié ! Quel scandale !
Et chacun noircissait le tableau, avançant qu’il y en avait bien d’autres !
Une traînée, sans moralité, qui montrait bien le mauvais exemple, mais que voulez-vous, elle n’avait jamais fréquenté l’Eglise !

La maréchaussée enquêta.

Retour direct pour cette famille à la Cour d’Assises de l’Aisne.

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Si je n’ai pas trouvé d’information sur le premier procès, celui de l’assassinat de la pauvre Marie Rosalie Charpentier, veuve Duchemin, j’ai eu la chance de découvrir, dans « les annales des tribunaux », le second procès.
C’est donc dans cet écrit que j’ai puisé la suite de la « Saga Duchemin ».


Audience du 11 février 1870 – Cour d’assises de l’Aisne, sous la résidence de M. d’Avost.

Ce jour-là comparaissaient :
-          Duchemin Alexandre Louis – 49 ans.
-          Dubourgue Marie Rose, femme Duchemin, 48 ans.
-          Duchemin Marie Rose Eugénie, 26 ans.
-          Duchemin Louis Joseph, dit Victor, 19 ans.
-          Duchemin Auguste Alexandre, 23 ans.
Accusés d’infanticides et/ou de complicité d’infanticides.

Les défenseurs des accusés se nommaient :
-          Maître Broissard, avocat de Duchemin père.
-          Maître de Grilleau, avocat de la femme Duchemin.
-          Maitre Grizot, avocat de la fille Duchemin.
-          Maître Boitelle, avocat de Victor et Alexandre Duchemin.

Duchemin père et Victor, déjà condamnés aux travaux forcés par cette même Cour d’Assises, prirent place, en dernier, sur le banc des accusés. Ils portaient le costume des bagnards.

Alexandre Louis Duchemin a un visage maigre et hâve, les yeux enfoncés, les lèvres minces, l’air indifférent et abattu.
Louis Joseph dit Victor et son frère Auguste Alexandre ont le teint pâle, de grands yeux ternes, une grande bouche. Ils sont sans expression, d’un hébètement complet. Aucune émotion sur leur visage.
Les deux femmes, la mère et la fille sont insignifiante.
La mère a le regard d’une fixité effrayante et une contraction perpétuelle de la bouche. On la dirait constamment en proie à une crise de  nerf intérieur.


Voici l’acte d’accusation, qui fut lu par le greffier :

Le nommé Duchemin a été condamné le 12 juin 1869, par la cour d’assises de l’Aisne, à la peine des travaux forcés à perpétuité, pour crime de parricide. Un de ses fils, Louis Joseph, dit Victor, a été condamné, comme complice du crime, en quinze années de travaux forcés.
La victime, mère de Duchemin, infirme et d’un caractère difficile, et on avait pu supposer que c’était pour soustraire la famille aux soins et aux charges imposés par sa présence au foyer que sa mort avait été décidée ; mais on pressentait que ce crime avait un intérêt plus puissant.
C’était vrai ; cette femme avait eu le malheur d’être témoin d’une série d’homicides, commis par les membres de sa famille sur les enfants qu’Eugénie Duchemin, sa petite fille, avait successivement mis au monde, et l’on craignait de sa part quelques indiscrétions compromettantes pour tous.
Depuis longtemps, dans la commune de Berny-Rivière, qu’habite la famille Duchemin, tout le monde connait la conduite scandaleuse de la fille Eugénie Duchemin, âgée aujourd’hui de vingt-six ans. On l’avait plusieurs fois trahie, par un changement de taille, un état de grossesse évident, qui disparaissait sans qu’on sût qu’elle eût donné le jour à des enfants.

Toute le monde savait, même les autorités, mais chacun se taisait, apparemment !!!

Cependant, après la condamnation du Duchemin, les rumeurs s’accusèrent d’avantage et vinrent à la connaissance de la gendarmerie. Une information fut commencée. 
Après avoir longtemps nié, Duchemin Père passa aux aveux.

Depuis l’âge de douze ans, la fille Eugénie Duchemin a été en butte aux passions de son père qui après avoir bientôt triomphé de sa résistance, a continué à entretenir avec elle, jusqu’en 1869, des relations incestueuses. Au su de tous, elle était également la maitresse d’un homme, le nommé Leblanc, carrier à Berny.

Nous reviendrons plus tard sur le nommé Jean Baptiste Leblanc.
Ce qui nous intéresse pour l’instant, ce sont les quatre grossesses supposées  d’Eugénie Duchemin.

En 1863 - La jeune fille fit une fausse couche à cinq ou six mois de grossesse, suite à un accident. Elle habitait alors avec sa grand-mère, la carrière des Grismoines.
En 1865 – Nouvelle grossesse. La fille Eugénie a accouché dans un grenier au-dessus de la chambre de ses parents.

Selon l’accusation, la jeune femme, souffrante depuis deux jours, attendait la naissance imminente. Son père, Alexandre, avait cessé de travailler, attendant la délivrance. La mort de l’enfant avait été programmée. Ce fut Duchemin père qui avait pratiqué l’accouchement.
L’enfant venu au monde, fut enveloppé dans un linge, jeté à terre et piétiné violemment.
Les frères de la jeune femme, Victor et Alexandre, avaient préparé une fosse au pied d’un arbre, dans un petit bois.
La maman avait assisté à la scène sans dire un mot.
On ne peut que frémir en imaginant la scène. Quelle détermination, quel manque de sensibilité.
Des êtres rustres et sans pitié !
Ce fut Eugénie qui montra à la justice, lors du procès, l’emplacement où avait été enseveli son bébé. Un petit squelette fut alors exhumé.

En 1867 – la fille Duchemin est au service d’un vieillard, le sieur Tricot, à Autrèches. La dame Tricot, belle-fille du vieil homme remarqua l’embonpoint de la jeune fille. Cette dernière nia être « grosse ».

L’accusation nous apprend, qu’au moment de la naissance, Eugénie alla passer quelques jours chez ses parents. Elle mit au monde un enfant vigoureux. Les deux « grands-parents » assistèrent à l’accouchement, mais il y avait aussi les sieurs et dame Dubourque, la dame Dubourque était la belle-sœur de la femme Duchemin
Encore une fois, l’enfant fut massacré et enterré.
La mère montra au juge l’emplacement où le petit corps avait été déposé, mais l’emplacement avait été fouillé et il ne fut rien retrouvé du petit cadavre.
Après, cet odieux assassinat, la soirée se passa en orgie..... et bien arrosée. Tous ivres !
Le lendemain, Eugénie reprit son emploi à Autrèches.

Nous reviendrons aussi sur la « famille Dubourque », au fil des interrogatoires.

Fin août 1868 – Naissance d’un quatrième enfant, dans la chambre des « grands-parents » Duchemin.

Là, nous atteignons le summum de l’horreur.
Une fosse fut préparée par les deux frères, dans le même petit bois. L’enfant avait à peine crié que le « grand-père », lui tordit le cou, le jeta violemment sur le sol et marcha dessus avec des godillots à semelles cloutées.
Le petit squelette fut retrouvé. Ce fut encore la mère qui désigna l’endroit aux magistrats.

Six semaines après cet horrible infanticide, la grand-mère Duchemin, témoin indésirable, mourait assassinée, par son fils et son petit fils, Louis Joseph, dit Victor.

L’exposé de l’acte d’accusation s’achève en ces termes :

Il résulte de tout cela que tous les membres de la famille se sont associés sous l’inspiration de son chef pour accomplir ces actes criminels et en assurer le secret et l’impunité.

-=-=-=-=-=-=-

Treize témoins furent auditionnés.
Mais avant eux, ce fut Alexandre Louis Duchemin, le père, qui fut sur « la sellette » !
Voici quelques extraits de cet interrogatoire :

Le juge :
Vous avez quatre enfants.
Alexandre Louis Duchemin :
Oui, il y en a trois ici. L’un a été condamné aux travaux forcés, l’autre a été condamné à rester dans une maison de correction, à l’âge de douze ans pour attentat à la pudeur, le troisième est là devant vous.

 Quel palmarès !

Le juge :
Vous avez été élevé dans une maison de correction, vous avez été condamné plusieurs fois pour vol, et vous avez été condamné enfin ici, pour assassinat de votre mère, aux travaux forcés à perpétuité. Vous n’avez jamais fait donner d’instruction à vos fils, ni école, ni église ; aucun d’eux n’a fait sa première communion.

Alexandre Louis Duchemin rejettera la faute de la non-éducation de ses enfants sur son épouse qui n’aurait pas voulu !
Ce qui est à noter, toutefois, c’est que l’on parle de l’éducation des garçons....... le couple avait pourtant une fille, quantité négligeable apparemment, seulement bonne à faire la soupe et le ménage et à procréer, sauf que dans ce cas, les petits qu’elle avait mis au monde, gênaient..........
Poursuivons !

Concernant le parricide, l’accusé se justifia par cette phrase qui prouve son amour filial :
« Cette pauvre vieille femme était intolérable, couverte de vermine et infestait la maison ! »

Le juge aborda alors l’inceste.

Le juge :
Vous avez abusé de votre fille dès douze ou treize ans. La première fois dans votre cour.
Vous alliez souvent dans votre grenier où vous vous enfermiez avec elle. Vous travailliez de nuit avec elle dans une fabrique de sucre, pour pouvoir rester seul à la maison pendant le jour et abuser d’elle tranquillement.

L’accusé nia toutes ces accusations et affirma même ne pas avoir eu connaissance des trois accouchements de sa fille et bien sûr, n’étant pas au courant de ces naissances, n’avoir pu « écrasé la tête de chaque enfant »

« Jamais ! Jamais », hurla-t-il.

Le juge :
Vous favorisiez, en outre, la débauche de votre fille. Vous aviez des relations avec son amant, Leblanc.

Ce fut au tour de Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin.
Le juge :
Vous n’avez jamais fait donner d’instruction à votre fille ?
Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin :
Elle ne m’a jamais écoutée.

Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin nia avoir été au courant des grosseses de sa fille.
Elle nia également que sa fille ait été abusée par son père. Mais, à la question suivante ......

Le juge :
Votre fille s’est plainte à vous qui son père voulait abuser d’elle ?
Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin :
Oui, monsieur.
Le juge :
Vous avez su que cela continuait ?
Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin :
Je ne les ai pas vus, mai j’ai bien pensé que ça continuait.

Concernant les relations que sa fille entretenait avec le sieur Leblanc :
 Leblanc et mon homme s’étaient entendus ensemble pour avoir tous les deux ma fille. Ils sont aussi coupables l’un que l’autre. 

L’interrogatoire, passa ensuite sur l’assassinat de la vieille femme.
 C’est Leblanc, Victor et mon mari qui ont tué la grand-mère. 

Ce que démentit, Victor, affirmant que Leblanc n’était pas présent.

Concernant la naissance et le meurtre des bébés, Marie Rose Dubourgue, femme Duchemin, se contredit à de nombreuses reprises.
Elle précisa toutefois que le petit qui était né dans le grenier, c’était vers les neuf heures du soir, à la fin mai 1865, qu’elle avait mis l’enfant dans un tablier et que c’était son mari qui l’avait tué en lui écrasant la tête.

Elle dit aussi :
« Et pourtant, Alexandre, il avait proposé d’élever l’enfant de sa sœur ! »

Pour quelqu’un qui n’était pas au courant, elle ajouta que fin avril 1867 vers six heures du soir, Eugénie était revenue un dimanche vers midi. Elle travaillait alors chez un meunier.
Et pour le troisième bébé, le 21 août 1867, toute la famille était présente, sauf Alexandre.
Quand dit-elle la vérité ?
Quelle information fallait-il croire ?


Eugénie Duchemin subit, bien évidemment un interrogatoire. En voici quelques extraits.
Elle avoua le viol de son père alors qu’elle n’avait que treize ans, ainsi que ses relations régulières avec lui et Leblanc. Son père la menaçait. Il était violent, surtout lorsqu’il était saoul. Et puis, il y avait, à la maison un pistolet et un fusil. Elle avait peur tout le temps.
Elle souhaitait élever ses enfants, mais sa mère lui avait dit :
« Ne t’embarrasse de rien ! »

Le juge :
C’était à la fin 1865 que vous avez accouché sur votre lit dans le grenier. Qui vous a accouché ?
Eugénie Duchemin :
Papa.
Le juge :
Qui tenait la lumière ?
Eugénie Duchemin :
Maman.
Le juge :
L’enfant vivait, criait ?
Eugénie Duchemin :
Oui monsieur.

Eugénie dit encore que ses parents tuaient les enfants car ils pensaient que ça venait de lui. « Lui » désignant « Leblanc ».



Vint alors le tour de Duchemin Louis Joseph, dit Victor, déjà condamné à quinze ans de travaux forcés pour avoir tué sa grand-mère.

Tout comme sa sœur, il déclara avoir peur de son père. Il affirma que sa grand-mère ne se doutait pas des infanticides. Il disculpa Leblanc de toute implication dans les meurtres des bébés, comme dans celui de la vieille femme.


Duchemin Auguste Alexandre fut interrogé après son frère.

Très bavard, Auguste Alexandre.
Il avoua tout :
Oui, il avait assisté aux accouchements et aux infanticides qui ont suivi.
Oui, il avait creusé les fosses où avaient été ensevelis les petits corps.
« Oui, j’ai été lâche. J’avais vingt-deux ans à l’époque et je n’ai pas osé affronter la tyrannie du père. »

Puis, concernant le meurtre de la vieille grand-mère, il rectifia sa déclaration, disant avoir menti au premier procès, sur l’ordre de son oncle Dubourque.
« Ma grand-mère a été assassinée par mon oncle Dubourque et mon père. Victor n’a pas assassiné ma grand-mère. »

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Vinrent les témoins, brigadier de gendarmerie, médecins, voisins.
Je leur laisse la parole.

César Damidot, brigadier de gendarmerie à Vic-sur-Aisne.
Il déclara que, courant 1868, il fut informé que la fille Duchemin avait commis des infanticides.
La famille Duchemin vivait dans un bois à Berny. Le père y régnait en roi et tout le monde le craignait, mais il recueillit cependant différentes informations qu’il transmit au parquet de Soissons. La fille Duchemin fut alors arrêtée.
Il alla interroger Leblanc qui avoua avoir eu des rapports avec Eugénie depuis que celle-ci avait quinze ans, confirma qu’elle avait été enceinte, mais n’avait jamais su ce qu’étaient devenus les enfants.
La femme Dubourque, la tante d’Eugénie, lui avait appris que sa nièce avait des relations avec son père et son frère, et même avec son mari à elle. Elle avait ajouté que tout ce vilain monde lui mangeait toutes ses économies.


Louis Aristide Blaise – docteur médecin.
Il attesta qu’il ne connaissait pas les accusés avant d’avoir été appelé pour examiner les cadavres.
Le premier qu’il examina devait avoir été enseveli un an avant, environ. Mais il ne put affirmer si l’enfant était né viable et si il avait été étranglé. Toutefois, une coloration rouge sur son crâne, ne pouvant être produite que par du sang, montrait qu’il avait subi des violences.
Pour le second petit, il déclara qu’il avait été enfoui depuis plus longtemps et était né à terme. Il ajouta qu’en raison de l’état des os, d’une coloration blanchâtre, il n’avait pu déterminer si l’enfant avait subi des violences.

Au cours de l’interrogatoire du médecin, les os exhumés des deux petits furent montrés, mélangés, aux jurés. Ce désordre n’apporta donc rien.


La femme Marie Justine Huet.
Cette femme demeurait dans la carrière des Grimoines, non loin des Duchemin. Mais, elle ne les fréquentait plus depuis dix années, en raison de leur conduite scandaleuse.
La fille, elle la voyait souvent avec Leblanc, qu’on disait son amant.
Puis elle poursuivit :
« D’ailleurs, Madame Goffard pourrait bien le dire. En venant chez moi, elle a vu Eugénie et Leblanc couchés dans les champs, non loin de ma porte. Eugénie était souvent grosse, pardi. »


Joséphine Marie Martin, femme de Denis Lasner.
Vieille femme aveugle, elle raconta l’histoire de la fausse couche d’Eugénie dans la carrière.
Le Juge écouta Joséphine Marie Martin, mais ne retint pas son témoignage.
Que pouvait avoir vu une aveugle, sinon ce que les yeux des autres avaient perçu.


Jean Baptiste Leblanc, maçon et carrier à Berny-Rivière.
Son témoignage était attendu avec impatience.
Qu’allait-il raconter ?
Ses dires furent donc écoutés avec attention. Pas un bruit dans la salle d’audience !
Il confirma avoir eu des relations avec la fille Eugénie.
« C’est bien à cause de cela que j’ai été jeté en prison. Quinze jours que j’y suis resté. Soit disant que j’avais assassiné les enfants dont elle était la mère. Des médisances, Monsieur le Juge. Et tout cela a mis bien du désordre dans mes affaires. »
Le 29 août 1868, il travaillait chez les Duchemin. Il construisait un four. Il s’était aperçu qu’Eugénie était enceinte. Il en avait parlé à Eugénie et au père Duchemin.
« C’est là que j’ai eu un accident. Je suis tombé. Deux mois que je suis resté au lit. Quand je fus de nouveau sur pied.... Rien !! »

A ce moment, la fille Eugénie s’insurgea :
« Menteur ! En août 1868, je n’étais pas enceinte ! »
Le juge s’étonna alors :
« Vous accouchez en septembre et vous n’étiez pas enceinte ! »

Lebanc ajouta qu’il ne savait pas si les Duchemin étaient au courant de ses relations avec leur fille.

Etrange ! Tout le village était au courant et les Duchemin l’auraient ignoré ! Secret de Polichinelle tout cela !


Femme Leblanc.
Cette femme ne comparut pas, et on le comprend. Quelle humiliation cela aurait été pour elle ! Mais elle fit une déclaration par écrit qui fut lue par le juge.

Selon son écrit, elle avait prévenu la femme Duchemin de la vie dissolue de sa fille et des bruits publics qui couraient sur ses grossesses.
La femme Duchemin lui avait répondu :
« Il faut bien que jeunesse se passe ! »

Rien sur les relations de son mari avec la « gourgandine ».


Madame Tricot.
Sa déposition n’apporta aucune information intéressante.


François Pierre Fessier
Il travaillait avec Leblanc et mangeait avec lui. Il le plaisantait sur ses relations avec Eugénie. Pour lui les grossesses de la fille étaient évidentes.


Louis Victor Tuillier, garde-champêtre en retraite.
Oui, les grossesses ! A plusieurs reprises, il s’en était inquiété. Il en avait même parlé au brigadier de gendarmerie qui lui avait rétorqué :
« Vous avez tant de terrains, des bois, des vignes, etc... à surveiller, cela est votre affaire, mais non pas de voir si les jeunes filles sont enceintes..... »

En clair, occupez-vous de vos affaires !


Decroix, vieillard de plus de soixante ans.
Apparu un petit homme à la figure ridée et flétrie.
Il avoua à la cour qu’il avait eu des relations, une fois par semaine, avec la fille Duchemin.
« Une fois par semaine, Monsieur le Juge, vu la faiblesse de mon âge ! », avait-il d’ailleurs précisé.
La fille Eugénie venait chez lui.
« C’est d’ailleurs à la suite d’une nuit de débauche que je suis tombé malade. Je suis resté quinze jours à l’hôpital de Soissons ».

Des sourires parcoururent l’assemblée. Un témoignage coquin qui dérida l’atmosphère où pesaient lourdement les crimes affreux de nouveau-nés.


Valère,  « bettavier ».
Homme de soixante-six ans qui témoigna aussi de quelques « débauches » avec la fille Eugénie.

Encore un, me direz-vous ! Oui, et apparemment, il y en avait eu bien d’autres !


Le procureur donna lecture de la déposition du jeune Emile Duchemin, actuellement détenu dans une maison de correction.

Il s’agissait du jeune Charles Emile, né en juillet 1857 qui confirma les dires de Decroix sur les relations de sa sœur avec plusieurs hommes de tout âge, habitant le village.

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