jeudi 31 mai 2018

IL VA VOUS FALLOIR VOUS COLTINER ENCORE UN DE MES ARTICLES !


Se coltiner !


Un « colletin », en 1577 qui, en 1836, prendra la forme orthographique «  coltin », est un mot dérivé de « collet »..... col, cou ......
Un colletin était un pourpoint masculin, souvent en cuir, très à la mode du début du XVIème siècle, au début du XVIIème siècle.
Ce nom fut repris par les forts des halles pour désigner le gilet au col montant qu’ils portaient. Le chapeau de cuir à larges bords, protégeant le coup et les épaules de certains portefaix, reçut également ce nom.

Ce « coltin » revêtu par des hommes effectuant des travaux de force, finit par prendre, en 1836, le sens d’effort et de force, puis en 1954, il désigna, tout bonnement, un « travail pénible ».


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Colletin, puis coltin, donna un verbe. Colletiner (1725), puis coltiner (1790).
Le sens de ce verbe évolua également.
A l’origine il signifiait : « saisir par le coltin, le collet », avec l’idée d’arrêter un individu.
Puis, on l’employa pour « porter sur le coltin » d’où, en 1835, « porter un objet lourd et encombrant ».
La forme pronominale attribuée au verbe, donna « se coltiner », qui, au sens figuratif, renvoyait aux portefaix et à « faire un travail pénible ».

En clair :
Un coltineur (euse), en 1824, se coltinait un sacré coltinage (1878) !
Quelle corvée !


Maintenant, j’espère que de vous avoir coltiné la lecture de cet article ne vous a pas trop fatigués.

Pour cette petite histoire autour d’un mot,
Je me suis aidée du
« Dictionnaire historique de la langue française » Le Robert.




mercredi 30 mai 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - Détective à Marbeuf.


Et si on jouait au détective ?

Jouer au généalogiste ! Super sympa ! C’est un peu comme jouer au détective.
Mais la tâche n’est pas toujours aisée !
Il faut souvent, avec presque pas d’informations, reconstituer l’histoire de toute une vie.

Et, il y a parfois, voire souvent, des énigmes qui ne trouvent jamais de réponse !
Il faut s’y attendre. Il faut l’accepter.
C’est le jeu !

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Mademoiselle Prudence Olivier, âgée de dix-neuf ans, avait déclaré, le 22 juin 1856, en mairie, comme le voulait la loi, être enceinte des œuvres d’un certain Maxime Vangeon, domestique à Marbeuf, mais originaire de Saint-Aubin-d’Ecrosville où il était né, le 5 mars 1835.
Une grossesse de cinq mois environ, au jour de la déclaration.
Ce qui devait donner une naissance en septembre ou octobre 1856.

« Vous êtes sûre d’être enceinte, avait demandé le maire
-          Bah ! Pour sûr !
-          Et le père ? C’est bien le dénommé Vangeon ?
-          Bah ! Pour sûr !
-          Sait-il qu’il est le père de l’enfant à venir ?
-          Bah ! Pour sûr !
-          Et alors ? Ne va-t-il pas vous épouser ?
Grand silence du côté de la future mère !

Alors ? Quand le bébé a-t-il montré le bout de son petit nez ?

La future maman, habitant la commune de Marbeuf, la naissance devait avoir lieu en cette commune. Mais aucune naissance d’un bébé « Olivier », nom de la mère, ou encore « Vangeon », nom du prétendu père.
La recherche fut infructueuse également, dans les villages environnants.
La demoiselle Prudence Olivier avait-elle mis au monde un « enfant sans vie ». Mais, aucun acte de décès, dans les registres, le prouvant.

Le dénommé Vangeon épousa-t-il la déclarante ?
Sut-il que cette déclarante était enceinte de lui ?
Alors là ! Mystère !

Mais avant tout, avait-il réellement fauté avec Prudence ?
Dans l’affirmatif, je peux reprocher au couple leur manque de « prudence » !
Si non, il ne pouvait être le géniteur du petit.
Logique !

On peut aussi avancer l’hypothèse d’une fausse-couche quelques jours après sa venue en mairie.
Ou qu’elle avait accouché ailleurs et, dans ce cas, les investigations risquaient d’être longues et compliquées !
Ou encore la possibilité qu’elle avait menti sur son état, afin de se faire épouser par François Maxime Vangeon, sur lequel elle avait jeté son dévolu.
Oui, oui ! Ce genre de mensonge existait !

Il ne restait plus qu’à chercher un éventuel mariage, avec reconnaissance d’un enfant, né fin 1856.

Prudence Olivier était la fille de Edouard Benjamin Désiré Olivier, né le 24 mars 1807, à Thibouville et de Adèle Valet qui avait vu le jour le 28 juillet 1811, à Ecardenville.
Au moment de la déclaration de grossesse de sa fille, Adèle Valet était décédée depuis presque six ans, sa mort étant survenue le 3 décembre 1850 à Epreville-près-le-Neubourg.

La demoiselle Prudence convola-t-elle en juste noces ? Oui !
Mais pas avec le sieur Vangeon, domestique.

Elle épousa un certain Edmond Alexandre Brennetot, commerçant à Vitot, le 11 septembre 1865. La cérémonie eut lieu à Marbeuf.
Je me suis ruée sur l’acte de mariage, espérant trouver la reconnaissance d’un enfant..... âgé de neuf ans.
Bingo ! Il y avait bien une reconnaissance mais......
Pas d’un enfant né en 1856 !

Cela ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas un enfant de neuf ans au foyer, mais si c’était le cas, il n’avait pas été reconnu. Cela aurait été étonnant, toutefois. Est-ce qu’un homme reconnaitrait un enfant qui n’est pas le sien, alors que celui-ci atteignait les dix ans ?
Certains, oui, je suppose, mais ce ne le fut pas, dans le cas présent !

L’enfant reconnu était né le 2 novembre 1862 !
Il avait été déclaré sous le nom de sa mère, « Olivier », et avait reçu les prénoms de Victor Onésiphore.
La demoiselle Olivier avait donc « récidivé » !

Le couple eut par la suite plusieurs autres enfants :
·         Désir Victor, né le 13 octobre 1866
·         Alexandre Zacharie, né le  19 décembre 1868
·         Auguste Edmond, né le 14 juin 1871

Que des garçons ! Tous nés à Marbeuf !

Poussant un peu plus loin la recherche, j’ai appris que Prudence Joséphine Olivier était décédée le 6 janvier 1893. Elle était âgée de cinquante-cinq ans. Sur son acte de décès, la mention « épouse de » prouve que Edmond Alexandre Brennetot lui avait survécu.

Quant au sieur Vangeon, François-Maxime de son prénom, devenu limonadier à Saint-Aubin-d’Ecrosville, il convola en justes noces avec Célestine Ernestine Foubert, le 4 juillet 1868, à Saint-Aubin-d’Ecrosville, commune où il était né, au hameau du Mesnil-Broquet, et où son père, Thomas, exerçait la profession de « garçon meunier » et « garde-champêtre ».


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Et puis, autre énigme.

Qu’est devenu l’enfant dont Marie Magdeleine Geneviève Godet avait déclaré la prochaine naissance à Marbeuf, le 3 novembre 1808.
En effet, n’avait-elle pas, ce jour-là, déclaré être enceinte de six mois environ.
Le père ? Un inconnu !

« De père inconnu », nota le maire tout en pensant : « Pourtant, elle doit bien savoir qui lui a fait cet enfant ! »
Mais, il savait aussi, le premier notable de la commune, que bien des petits fleurissaient ainsi dans les champs, d’une rencontre éphémère, mais également, et c’était malheureusement fréquent, de viols au cours des moissons.
Un inconnu ? Peut-être, après tout !
Un ouvrier agricole de passage qui, l’espace d’une nuit, avait fait miroiter à la belle un avenir meilleur.

Marie Magdeleine Geneviève Godet était la fille de Gabriel Godet et de Magdeleine de Lieuvin.

Le moment venu, ce fut Marie Marguerite Hareng, la femme de David Morisse, celle qui avait mis au monde la moitié des bébés du village, car « faisant fonction de sage-femme », qui vint présenter, en mairie, le petit François, le 15 décembre à onze heures du matin, né ce même jour de Marie Magdeleine Geneviève Godet et de père inconnu.

Malheureusement, il décéda cinq jours plus tard, le 20 décembre 1808.
Etait-il prématuré ? Assurément, car si l’on prend en compte la déclaration de sa mère (enceinte de 6 mois en novembre), la naissance devait être prévue pour janvier ou février 1809.....

Pas de mariage pour la maman, du moins dans les registres de Marbeuf. Pas de date de décès non plus la concernant sur cette commune !
Après cet évènement, avait-elle quitté Marbeuf ?

Laissons planer le rêve .....
Elle avait revu son bel inconnu et était partie vers le bonheur.

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En ce 13 février 1838, ce fut Aimée Désirée Guillard qui déclara être enceinte de six mois.
Elle ne précisa pas le nom du père.
Elle annonça, d’un air déterminé : « J’élèvrai seule mon p’tiot ! Pas besoin d’un homme ! »
Etait-ce bravade !
Se voulait-elle plus forte qu’elle ne l’était ?

Agée de vingt-neuf ans, elle était née le 21 janvier 1809 de l’union de Jean Baptiste Guillard et de Aimée Charpentier.
Un petit Amant Léandre vit le jour, le 20 mai 1838. Ce fut son grand-père, Jean Baptiste Guillard, qui vint le présenter à la mairie afin de faire établir l’acte de naissance.
Il n’était pas peu fier de porter le marmot.
« Ça f’ra d’la joie chez nous ! » lançait-il aux commères qui le regardaient d’un air revêche.
Puis, en les saluant, non sans hypocrisie, il pensait :
« En v’là qu’auraient besoin de rire ! Vieilles coincées ! »


Les deux autres témoins  étaient Pierre Jacques Dessaux, garde particulier et l’instituteur de la commune, François Victor Lefebvre.
Le petit Amant prospéra, entouré de l’amour des siens.
Il put, ainsi, assister au mariage de sa maman, le 8 juin 1840. Jacques Alexandre Charpentier, le « monsieur » qui se trouvait à côté de sa maman, le reconnut comme étant son enfant légitime.
Ce fut donc, le jour de cette union, que Amant Léandre Guillard devint Amand Léandre Charpentier. Ce qui, en fait ne changea pas grand-chose pour lui !
Et même si certaines mauvaises langues disaient haut et fort :
« C’est point son gosse ! Alors, pourquoi qu’i’ l’ reconnait ? »
D’ailleurs, qu’en savaient-elles ?
Etaient-elles présentes le jour de la conception ?

Peu importait aux nouveaux mariés. On pouvait toujours causer !

Aimée Désirée Guillard et Jacques Alexandre Charpentier coulèrent sans aucun doute des jours heureux et paisibles..... Le dicton est formel : « pour vivre heureux, vivons cachés ». Voilà pourquoi je n’ai rien trouvé sur eux, après leur union.......

Les parents de Aimée Désirée Guillard finirent leurs jours à Marbeuf.
Jean Baptiste Guillard partit le premier, le 20 février 1846, à l’âge de soixante-treize ans.
Aimée Charpentier le rejoignit six années plus tard, le 25 février 1852. Elle était âgée de soixante-quatorze ans.


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Plus ardue, « l’affaire suivante ».

Toujours dans la commune de Marbeuf, le 23 novembre 1853, Justine Dantan, âgée de vingt-et-un ans, déclarait une grossesse d’environ huit mois, « des œuvres » d’un certain Bréant d’Ecquetot. La formule était très jolie, mais la jeune personne n’en était pas moins « enceinte jusqu’aux yeux » !

C’est maintenant que cela se complique.
Enceinte de huit mois, cela ne pouvait être que visible.
Si elle arborait une bonne ventrée, la jeune femme ne pouvait pas tricher sur son état.
Qui était le « géniteur » ? Un certain Bréant, d’Ecquetot avait-elle déclaré. Bien vague, car aucun prénom n’a été noté.
Où le bébé est-il né ?
A Ecardenville-la-Campagne ? Non !
A Ecquetot ? Non !
A Saint-Aubin-d’Ecrosville ? Non !
A Marbeuf, où demeurait Justine Dantan ?..........

C’est là que rien ne colle !

23 Novembre 1853 : huit mois de grossesse. Naissance, normalement en Décembre 1853.
Logique ?
Dans les registres d’état civil de Marbeuf, toutefois, un acte bien étrange.

« L’an mil huit cent cinquante trois le treize décembre ..... commune de Marbeuf.... est comparu le nommé Voiturier florentin boulanger âgé de quarante quatre ans lequel nous a déclaré que marie scolastique      ......(un blanc)....   est accouché aujourd’hui a deux heures après midi dans le domicile de sa mère en cette commune d’un enfant du sexe masculin..... »

La date correspondrait.
Mais cet acte n’est pas légal. Le nom de la mère de l’enfant n’est pas mentionné, seul un prénom « marie scolastique » qui n’est pas, d’ailleurs, le prénom de la demoiselle Dantan.
D’autre part, il manque le nom du père...... ou la mention « de père inconnu ».

Avait-on voulu maquiller la naissance ? Brouiller les pistes ?
L’enfant avait-il, les jours suivant sa venue au monde, été abandonné à l’hôpital d’Evreux ?
Hélas, rien pour l’affirmer.

Une petite chose toutefois, la mort prématurée de Justine Dantan, que révèle un acte, incontestable celui-là.
Elle n’avait que vingt-cinq ans, en ce 26 novembre 1857.
Quatre années, presque jour pour jour, après sa déclaration de grossesse.

Si on lui avait retiré son petit, fut-ce pour cela qu’elle s’était laissée dépérir ?

Elle a emporté avec elle son secret.
Alors, ne la dérangeons pas plus longtemps.


J’ai découvert beaucoup de « déclarations de naissances »
dans les registres de délibérations municipales de
la commune de Marbeuf.
Ce ne fut pas de l’indiscrétion de ma part que
de faire ces recherches, uniquement un peu de curiosité
et le plaisir de la recherche.


lundi 28 mai 2018

A VOS PLUMES - LA LETTRE


La lettre à déchiffrer .......
une erreur s'est glissée dans la première version
Je vous le joins avec la bonne mise en page........
car pour la lire, cette mise en page est importante.



Chère Marie,
Je vous écris de devant notre cabane et je dois vous avouer que
votre aide est requise, je ne pourrais très certainement pas tenir très longtemps
sans vous avoir à mes côtés... Les lapins sont enfin arrivés, ils pullulent,
ils sont partout! Je pense qu’ils commencent à deviner, c’est sûr qu’ils savent
que le printemps est arrivé. Les fleurs pointent du nez, mais elles ne durent pas longtemps:
si vous ne venez pas bientôt tout sera perdu! Je suis entouré
de mille fleurs, senteurs de ce début de saison, mais hélas,
je sens que la fin que nous attendons tous est encore loin; les
abeilles ne savent plus se tenir devant tant d’odeurs, se laissent aller et leurs dé-
boches risquent de nous coûter la victoire. Il se peut que cette lettre
vous arrive bien tard, mais n’ayez crainte, je doute que cette jarre pleine de miel
soit la dernière que je vous envoie. Si vous n’entendez plus parler de moi,
c’est que je me suis perdu dans les myriades d’arc-en-ciel donc ne soyez pas jalouse :
n’hésitez pas à utiliser les feux d’artifices.
J’attends de vos nouvelles.

Philippe

dimanche 27 mai 2018

A VOS PLUMES ! J'ai reçu une lettre.



Le sujet proposé, vous vous en souvenez, était  :  "Ecrivez une lettre".

J’en ai reçu une bien énigmatique !

Saurez-vous la déchiffrer ? Saurez-vous lire entre les lignes ?

Bon courage !




Chère Marie,
Je vous écris de devant notre cabane et je dois vous avouer que
votre aide est requise, je ne pourrais très certainement pas tenir très longtemps
sans vous avoir à mes côtés...
Les lapins sont enfin arrivés, ils pullulent, ils sont partout! Je pense qu’ils commencent à deviner, c’est sûr qu’ils savent que le printemps est arrivé.
Les fleurs pointent du nez, mais elles ne durent pas longtemps:
si vous ne venez pas bientôt tout sera perdu!
Je suis entouré de mille fleurs, senteurs de ce début de saison, mais hélas,
je sens que la fin que nous attendons tous est encore loin;
les abeilles ne savent plus se tenir devant tant d’odeurs, se laissent aller et leurs dé-
boches risquent de nous coûter la victoire.
Il se peut que cette lettre vous arrive bien tard, mais n’ayez crainte, je doute que cette jarre de miel soit la dernière que je vous envoi.
Si vous n’entendez plus parler de moi, c’est que je me suis perdu dans les myriades d’arc-en-ciel donc ne soyez pas jalouse :
n’hésitez pas à utiliser les feux d’artifices.
J’attends de vos nouvelles.
Philippe



N'hésitez pas à me donner vos impressions !

mercredi 23 mai 2018

HISTOIRE DE VILLAGE - Culotté !





Ce fut avec des éclats de rire que le jeune Jacques Thomas Coulvée s’en était allé, traversant en sautillant, le champ de trèfle de son voisin.
Oui, comme un sale gosse qui, malgré les interdictions, faisait un mauvais tour et s’en réjouissait.
Ce n’était pas la première fois, d’ailleurs, que ce jeune homme s’autorisait cette traversée, prétextant que c’était le chemin le plus court pour rentrer chez lui.
Le propriétaire du champ, Guillaume Sourbel, avait été se plaindre, à plusieurs reprises, auprès du maire de la commune d’Ecauville, accusant ce « mauvais sujet » de saccager délibérément ses cultures et qui, malgré de nombreux avertissements, s’obstinait.

« Et si au moins, i’ passait toujours au même endroit ! avait précisé le plaignant. Mais ce vaurien, i’ traverse mon champ en diverses places ! Ça fait plus de dégâts, pardi ! »

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Ce matin-là, 17 novembre 1821, vers les 10 heures, Jacques Thomas Coulvée récidiva, écrasant à qui mieux-mieux le trèfle, avec un plaisir non dissimulé.
N’en pouvant plus, Guillaume Sourbel s’empara d’une fourche et le poursuivit en le maudissant.
Mais le jeune Jacques Thomas, ayant pris une bonne avance sur son poursuivant, s’arrêta un instant, fit face au propriétaire du champ et le nargua :
« Vins donc un peu là, avec ta fourche, va ! T’es point près de m’ rattraper ! »

Puis, s’esclaffant bruyamment, il se retourna, baissa son pantalon et montra ses fesses, avant de s’enfuir en courant, tout en se reculottant.

Un affront qui passa très mal, et qui fut aussitôt rapporté au maire de la commune.

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Jacques Thomas Coulvée était le cinquième enfant de Claude Coulvée et Marie Geneviève Renault qui avaient grandi dans la commune et s’y étaient également mariés, le 13 avril 1794.

Avant lui avaient vu le jour,
·         Claude, en 1795,
·         Marie Geneviève, en 1797,
·         Puis, les jumeaux, Pierre et Marie, qui ne vécurent qu’une journée, celle du 1er janvier 1801.

Jacques Thomas naquit donc le 29 décembre 1803, deux années après la naissance et la mort des jumeaux, ces deux petits êtres bien trop chétifs pour survivre.

Alors, toutes les attentions maternelles se fixèrent sur Jacques Thomas.
Cette mère ne voulait-elle pas donner à son nouveau-né, tout le trop-plein d’amour qu’elle n’avait pu déverser sur Pierre et Marie que la mort lui avait enlevés bien trop vite.

Et puis, la vie n’apportait pas que des joies, loin de là, et il fallait faire avec tous les malheurs qui jalonnaient son chemin.
Et la maison du couple Coulvée fut de nouveau endeuillée.
Ce fut le père, Simon Claude Coulvée, fauché en peu de temps, alors qu’il n’avait que quarante ans et qui fut porté en terre le lendemain de son décès, dans la froidure hivernal du 7 janvier 1807.
Marie Geneviève Renault devint ainsi la « veuve Coulvée » en ce début d’année 1807, avec à charge trois enfants dont l’aîné, Claude, venait juste d’avoir dix ans.

Trois enfants ?

N’y avait-il pas un dicton ancestral qui disait que dans une famille un décès était toujours suivi d’une naissance ?
Ce fut le cas en effet, car, alors que Marie Geneviève venait d’ensevelir son époux, un nouveau petit être prenait vie en elle.
Ce fut un garçon qui arriva le 20 août 1807 et qui fut déclaré, en mairie d’Ecauville, sous les prénoms de Prosper Augustin.

Quatre enfants !
Ce n’était pas une mince affaire !
Quatre petits à préserver !
Et Marie Geneviève, veuve Coulvée, qui se devait de travailler pour rapporter, au foyer, de quoi vivre, prit les décisions qu’elle pensait être les meilleures.
L’ainé, Claude, fut placé dans une ferme. Revint à la petite Marie Geneviève la charge d’épauler sa mère aux soins du ménage et à la garde de ses deux petits frères.
Une lourde charge pour une fillette qui n’avait pas encore neuf ans. Mais c’était ainsi et elle ne s’en plaignit pas.
Pour la « petite maman », le nouveau poupon, Prosper Augustin, devint « son bébé », quant à Jacques Thomas, ce fut autre chose, car il n’écoutait pas sa sœur. Il profitait même des moments où elle était occupée pour crapahuter, ici et là, et faire les pires bêtises.
La petite fille bien que faisant de son mieux pour s’acquitter de sa tâche, n’avait aucune autorité sur son jeune frère, pas plus que sa mère, d’ailleurs, qui, fatiguée de ses journées de labeur, se contentait, de temps à autre, de lui donner une bonne taloche qui n’avait aucun impact sur le caractère de ce jeune effronté.
Jacques Thomas grandissait en « chien fou », sans foi ni loi.

Puis, les enfants partirent les uns après les autres.
Claude avait trouvé femme à sa convenance, à Graveron-Semerville. Elle se nommait Marie Catherine Bonnel. Ils se marièrent le 7 novembre 1820.

Et puis, ce fut le tour de Marie Geneviève de quitter le logis parental.
Sa mère n’était pas peu fière, le jour du mariage de sa seule fille, car celle-ci, en ce 27 janvier 1820, épousait un « vrai monsieur » qui en savait des choses ! Pensez donc, il était « instituteur » !
En épousant Pierre Toussaint Toutuny,  Marie Geneviève devenait une dame respectée, en sa qualité d’épouse de « Monsieur l’instituteur de Saint-Aubin-d’Ecrosville ».

Jacques Thomas, toujours turbulent et insouciant, fut placé chez un menuisier, pour apprendre le métier. Un garçon travailleur, toutefois.
Quant à Prosper Augustin, jeune garçon calme et docile, il travaillait chez un tisserand.

Marie Geneviève Renault, veuve Coulvée, était fière de ses petits, de tous ses petits, même de son Jacques Thomas qui lui causait pourtant, en raison de ses rébellions, bien du souci.

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Suite à l’incident du 17 novembre 1821, monsieur Bobin, Maire d’Ecauville, dut intervenir afin que le calme revienne.
Les turpitudes du jeune homme avaient déchaîné  le mécontentement général.
En premier, bien sûr, Guillaume Sourbel qui voyait son trèfle ruiné par les incessants piétinements du fils Coulvée.
Mais aussi, François Couturier et François Melet qui habitant à la limite d’Ecauville et de Saint-Aubin-d’Ecrosville en avaient assez des frasques de ce jeune homme, et notamment, lorsqu’il revenait éméché, après avoir passé plus de temps qu’il ne fallait à boire au café de Saint-Aubin.
Le maire, donc, essaya de raisonner Jacques Thomas, lui disant :
« T’es presque un homme à présent. Dix-huit ans que tu as. Penses à ta mère qui se donne tant de mal pour vous nourrir. Tu pourrais peut-être l’aider, non ?

Oui, il pouvait, en effet ! Mais, on ne change pas comme ça !

Le calme revint, à la grande satisfaction de tous.

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« M’sieu’ l’ maire, v’nez vite ! J’ crois bin qui va y avoir un mort ! »

Au pas de course, le maire suivit l’homme qui était venu le prévenir.
Le soleil éclatait en chaleur orageuse en cette fin mai.
La cloche de l’église sonna.
Il devait être midi.
Pas une heure pour déranger le monde, alors que le repas attendait.

Au bout du champ de Guillaume Sourbel, régnait une grande agitation. Mais le calme se fit à l’approche du responsable de la commune et les personnes assemblées là, s’écartèrent pour le laisser passer.
Sur le sol, gisait Guillaume Modeste Sourbel, la jambe gauche ensanglantée. A côté de lui, son père, Guillaume Sourbel ne semblait pas être en meilleur état. Son bras droit soutenait son bras gauche dont la manche de la chemise, déchirée, laissait voir une plaie sanguinolente.
Debout, près des deux hommes, une fourche à la main, le regard vide, le teint livide,  Jacques Thomas Coulvée.

Pas besoin d’être devin, devant ce spectacle, pour comprendre ce qui venait de se passer.
Mais, quel avait été le déclencheur de tout cela.
« Encore cette vieille querelle de voisinage ! Cela ne finira donc jamais ! » pensa le maire.

Mais là, il y avait eu agression et blessures. La justice ne pouvait fermer les yeux, aussi, après avoir soigné les victimes, ce fut immédiatement que comparut Jacques Thomas Coulvée, devant le procureur.

Bien difficile à résoudre cette histoire. Ce fut la parole des Sourbel, père et fils, contre celle des Coulvée, mère et fils.
Qui avait commencé à injurier l’autre ?

Pour Guillaume Modeste Sourbel, ce ne pouvait être que le fils Coulvée.
« J’ai entendu crier, dit-il. Alors, j’suis sorti d’ la grange et c’est là qu’ j’ai vu le Coulvée frapper l’ père. Alors j’ai pris la fourche et j’y suis allé, pour l’ défendre. »

Alors Guillaume Modeste, le plaignant, expliqua, que le fils Coulvée lui avait arraché la fourche des mains et avait frappé, lui d’abord, puis son père ensuite.
Puis il montra le pansement qu’il avait en haut de la cuisse, là où les dents de la fourche avaient pénétré, puis précisa :
« L’ père a reçu un coup aussi. Une dent d’ la fourche dans l’ bras. »

La version adverse fut bien différente. Jacques Thomas raconta les faits, comme ils s’étaient passés, selon son point de vue.
« J’ me prom’nais avec la mère. On parlait. Quand l’ père Sourbel est arrivé et nous a insultés, la mère et moi, parce que, soit disant, on marchait sur son champ. Et pis, il a l’vé la main sur la mère, alors j’ai voulu l’empêcher, pour sûr. Alors, c’est là qu’ le fils est arrivé, la fourche en avant. J’ai voulu m’ défendre, pour sûr, en lui enl’vant la fourche, et le v’là qui s’ lance sur moi et qui s’embroche ! Et l’autre, le père, qui s’en mêle ! »

La veuve Coulvée confirma les dires de son fils.
Le père Sourbel certifia la version relatée par son fils.
Alors ?

Alors, il y avait eu blessures et il fallait réparation.
Le secret du verdict fut bien gardé, car il ne vint pas jusqu’à nous.

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Après tout ce sang versé en ce joli mois de mai 1822, la vie reprit son cours.
Et je suis prête à parier que Jacques Thomas, qui avait dix-huit ans, s’engagea un temps dans l’armée, afin de voir du pays et surtout de s’acheter une conduite.
Il n’y avait rien de mieux, en ces temps anciens, que l’autorité militaire pour remettre les idées en place aux jeunes écervelés !
Et ce fut sûrement efficace, car Jacques Thomas Coulvée s’assagit, épousant le 5 mars 1832, une jeune fille native de Feuguerolles, Emilie Sophie Delamare. Le couple vint s’installer à Ecauville où Jacques Thomas exerça la profession de menuisier.
Décédée, cinq mois plus tôt, le 2 octobre 1831, sa mère, Marie Geneviève Renoult, veuve Coulvée, n’eut pas le bonheur de voir son fils enfin rentré dans le rang. Son décès lui permit de ne pas vivre le drame de la mort prématurée, à l’âge de vingt-huit ans, de son dernier fils, Prosper Augustin, survenue brusquement, le 27 septembre 1837, au domicile de son frère aîné, Claude.

Jacques Thomas, lui, décéda à Ecauville, le 3 novembre 1858, à un âge pas très avancé, cinquante-quatre ans.

Ce fut en aîné de la famille que Claude Coulvée se chargea de toutes les inhumations familiales.
Propriétaire d’une petite ferme à Ecauville, il y finit sa vie, ne rejoignant sa famille au cimetière du village que le 26 novembre 1876.
Il avait bien vécu, puisque il affichait quatre-vingts printemps.

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Et les Sourbel, père et fils ?

Guillaume Sourbel décéda le 9 janvier 1832, à Ecauville, à l’âge de soixante-dix ans.
Son fils, Guillaume Modeste, le suivit de peu, car ce fut, le 17 décembre 1835, qu’il quitta ce monde. Il avait quarante-cinq ans.

Marie Victoire Renault, seconde épouse et veuve de Guillaume Sourbel et Marie Catherine Victoire Fourey, veuve de Guillaume Modeste Sourbel, réunirent leur solitude.
La première à partir, fut Marie Catherine Victoire Fourey, le 19 décembre 1844.
Puis, ce fut Marie Victoire Renault qui « ferma la marche », le 6 juin 1851.
Au moment de leur mort, la première avait soixante-trois ans et la seconde, soixante-dix-huit ans.


En voilà encore une affaire !
Et tout cela parce qu’un « derrière » avait été dévoilé !
Quand je vous disais que lire les délibérations
des conseils municipaux était une réelle aventure !
Ecauville, 17 novembre 1821.